10eme Portait: Le Magicien
- Zarathoustra
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Maintenant, si j’avais envie de donner envie de lire le texte, je dirais également que le texte propose un vaste jeu avec le lecteur. Ce n’est pas un texte de renard, mais il a un air de famille. Et c’est un texte également assez drôle. Je doute d’ailleurs qu’une première lecture permette de le découvrir. Ici, l’humour se fait à mes dépens, donc j’ignore si un lecteur peut vraiment le percevoir. Je dirais que c’est là ma principale interrogation.
La seconde, c’est que je suppose que le lecteur va régulièrement décrocher, car la matière du texte fait qu’elle nécessite de la concentration pour être comprise. Il y a ici une sorte de mise en abîme de mon texte. J’aimerais connaître si possible ces endroits où vous décrocherez.
Enfin, il s’agit d’un texte plein de fantastique. Ce que je trouve assez drôle, c’est quand il cesse de l’être qu’il l’est finalement le plus… Son point de départ est un texte que j’avais proposé dans les travaux qui traitait d’une sorte d’entité omnisciente qui s’adressait directement au lecteur, dans lequel j’avais essayé de créer une sorte d’univers qui nous dépasse. Un texte, il faut le dire pas très agréable et pas très heureux… L’autre point de départ était ma volonté d’écrire à la seconde personne du singulier. Sur ce plan, vous verrez que j’ai échoué.
Bien entendu, dans ce vaste jeu que je propose dans lequel le lecteur est censé être un peu actif, j’aimerai que vous donniez votre ressenti en tant que « joueur ». Vous sentez-vous confortable à parcourir le texte et y prenez vous du plaisir ou alors ce texte ne vous parle jamais vraiment, et vous le considérez comme un exercice de style un peu vain de ma part ? Voilà ma principale crainte.
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- Vuld Edone
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watPour trouver ta réponse, il ne te reste plus qu’à affronter cette évidence...
Soudain la seconde personne, et je ne peux pas m'empêcher de me dire que tu essaies d'utiliser le texte comme un miroir pour faire en sorte que le lecteur soit le narrateur qui se lit en train de narrer.
Auquel cas je le devine beaucoup trop tôt, si c'est ça je vais pas mal m'ennuyer par la suite...
Jusqu'à présent moi ça ne me gêne pas, du moment que ce narrateur a une personnalité. Nommément, ce qu'il redoute, sa faiblesse répétée.Oui, je me disais qu’on n’aurait sûrement jamais eu envie de plonger dans ce texte puis de s’y perdre.
Yé confirme.Au fait, j’aurai dû le préciser bien avant...
Non ça va, jusqu'ici je suis.Tu brasses toujours du vide car personne ne comprend où tu veux m’emmener.
J'hésite entre deux poupées de chiffon qui se disputent ou prendre la chose plus sérieusement mais eh, parlez donc.
Ah là non, je t'arrête.Crois-tu ? Mais si tout est si vide, peut-être découvres-tu enfin...
Eins, je n'ai rien découvert du tout. Moi j'ai dit que cette pierre était une pierre donc t'es gentil, le vide c'est toi qui le professes. Zwei, qu'est-ce qu'une forêt vient faire là-dedans, tu essaies de me dire que je t'ai créé et inversement, et moi je te dirais que pour une série d'accidents nous sommes quand même une sacrée série d'accidents.
Drei, on se concentre s'il vous plaît. L'objectif c'est de franchir le miroir, la question c'est la lâcheté, merci de ne pas se disperser, ou je préviens, je décroche.
Réponse, tome un, page un sur mille soixante-quatre. Petit a. Qu'est-ce que tu essaies de démontrer ?Strictement rien. Je t’écoute…
Non parce que moi, je discute du courage pour traverser un miroir. Toi, tu discutes de l'existence d'une pierre. Je ne vois pas l'intérêt de traverser ce miroir si je ne peux pas décider que cette pierre existe. Un peu de cohérence aussi, quoi.
Voui m'enfin voui mais non, tu connaissais mes attentes. Je veux bien avoir un brin forcé la porte, mais on m'avait promis des cailloux.D’abord, je n’ai pas refusé ton rêve, c’est toi qui es rentré dans le mien.
Oui, fondamentalement pourquoi pas. Tant qu'il n'y a pas de coût cognitif associé, une infinité d'entités indéfinies peuvent exercer un pouvoir infinitésimal. Mais quant à une influence réelle, le milliard de mes cellules se permet de grogner, c'est que c'est du travail.A chaque fois que tu poseras le regard sur quelque chose ou dans un miroir, à chaque fois que tu prononceras un mot, alors tu seras comme face à mon pouvoir.
Alors au final, je dirais deux choses.
La première, c'est que le texte a un ton léger et du coup même si ça donne l'impression de voir se disputer deux comédiens, sur scène, c'est suffisamment divertissant pour ne pas décrocher. Même quand les raisonnements ont tendance à faire du cent mètres haies sur patins à roulettes.
La seconde, c'est qu'au terme de la lecture je suis censé me retrouver face à mon écran -- ou feuille de papier, je suppose -- et constater que de un, il n'y a que moi, et de deux, il y a le monde. Qui n'avait pas son mot à dire mais qui a le mérite d'exister. Le problème étant que le monde est cohérent, et qu'il préfère l'action aux mots, ce qui aurait donné un narrateur particulièrement silencieux.
Je suppose qu'avec une version romancée du langage le texte fonctionne, même si les "tu" trahissent un peu vite le jeu. Mais pour le linguiste et logicien, euh... ben oui, on des machines à interpréter, cognitivement on s'interprète soi-même donc bon. Tout ça manque un brin de scalpel, pour un briseur de rêves.
Et là je dirais aussi que les personnages sont encore trop passifs. Ce qui donne envie de continuer, c'est le personnage lâche avec ses rêves, qui se donne un but, etc. Dès l'instant où cela s'efface comme excuse pour leur discussion, c'est le texte tout entier qui vole en éclats. Le personnage devrait quasiment s'aveugler dans son but, bretter un peu plus avec le texte quitte à se montrer effronté. Rire face à la mort, ce genre de choses.
L'autre personnage devrait au contraire être beaucoup plus passif, surtout si au final il prêche un monde "tel qu'il est", immuable et se moquant bien des interprétations. L'objectivité par excellence. On s'attendrait à le voir beaucoup plus absolu, posé, insensible, à asséner des vérités sans même songer qu'on puisse les remettre en question. Mais là ce doit être mon biais qui parle.
Parlant de ça, en un mot, si le texte avait été un peu plus comique je me serais peut-être pris à le relire pour voir ce que j'aurais pu manquer. Mais en l'état, j'ai plus l'impression qu'on essaie de me prendre mes cailloux.
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- Zarathoustra
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Malheureusement pour lecteur (surtout un lecteur aussi analytique que toi qui plus est linguiste et logicien), il est possible que des matériaux persistent qui n’auraient peut-être plus lieu d’y être (par exemple ici l’aparté sur Dieu, même si les attaques terroristes ont fortement influencé ici mon travail et mon propos). Donc ce texte n’a gagné son magicien qu’à la 4eme mouture… Et au départ, c’était plus une idée qui venait comme un cheveu dans la soupe. Ce n’est qu’en voulant finalement écrire sur un portrait de magicien pour le faire rentrer dans Portraits des Jours Anciens que j’ai vraiment travaillé ce côté « Tour de magie ». Tout ça pour dire que je crois que mes textes ne rentreront jamais dans ta rigueur analytique pour cette raison…
Ensuite, j’ai l’impression de mieux comprendre pourquoi tu disais avoir de plus en plus de mal à lire les textes des autres. En lisant ta critique, j’ai eu l’impression que ta façon même de lire un texte t’empêche de vraiment y rentrer et de t’immerger. En voulant analyser ce que tu lis, tu court-circuites le plaisir de lire simplement sans se poser de question. Or ce texte invite justement un peu à ça (relis la première phrase, c’est toi qui m’a fait comprendre l’importance de la première phrase, et là, tu as tout le programme d’entrer de jeu). Donc pour le texte fonctionne, je dirais en l’occurrence qu’il ne faut paradoxalement pas forcément s’intéresser au succès du tour de magie annoncée (qui ne se produit littéralement pas, et ce, volontairement) mais au respect de ce cahier des charges. Tu ne dis d’ailleurs rien sur la première moitié, qui à mon sens est la plus importante. En soi, c’est quand même très proche de la logique du fil du texte qui se déroule…
Oui, le texte ne cache pas spécialement ce jeu avec le lecteur. Mais je me surprends de ton ^propos. Quand tu regardes une comédie romantique, tu sais à l’avance ce qui va se passer. Pareil pour un drame. Pour un policier, idem, on sait que tous les suspect sont innocents et qu’il faut chercher dans ceux qui paraissent les plus innocents (ou les soit-disant morts) pour trouver le coupable. Si on regarde le film, ce n’est surtout pas pour l’originalité de l’histoire ou de la subtilité de je ne sais quoi (si c’est le cas, alors il ne servirait à rien de revoir un film qu’on n’a déjà vu et dont on connait l’histoire). L’important, c’est le reste : la mise en scène, les enchainements de plan, le jeu des acteurs, la profondeur des thèmes ou ce mystère de trouver un plaisir sur quelque chose qui justement serait au départ galvaudé. D’où ma remarque sur la position de lecteur que tu prends.Auquel cas je le devine beaucoup trop tôt, si c'est ça je vais pas mal m'ennuyer par la suite..
Si on revient au tour de magie, je dirais qu’on sait toujours à l’avance ce qui va se passer. Oui, il va retrouver la carte que j’ai tirée. Oui, il va faire disparaître la dame dans la boite etc. On le sait, ce qui importe, c’est comment il va nous surprendre. Or, j’espère que tu ne t’attendais pas à ce déroulement du tour.
Oui, franchir le miroir… Je dirais que le lecteur attende ça fait partie du tour. Dans un tour de magie, il faut distraire le spectateur, attirer son attention sur des choses qui apparaissent importantes mais qui ne le sont pas pour mieux le distraire pour profiter de ce qu'il ne va pas regarder ou jouer avec ce qu'il a envie de voir etc. Pour ce qui est de la lâcheté, par contre, je pense que tu interprètes un peu sur l'importance de cette dimension (faut être lucide, l'humanité est avant tout constitué de gens normaux, moyens et médiocre (sans chercher à être péjoratif car je me place parmi ces gens)) La question centrale, pour moi, c’est davantage le rapport à l'intime.Drei, on se concentre s'il vous plaît. L'objectif c'est de franchir le miroir, la question c'est la lâcheté, merci de ne pas se disperser, ou je préviens, je décroche.
C’est surtout un texte qui a été rédigé un peu dans l’idée que je mettais en scène mes thèmes fétiches qu'on pourrait appeler obsession, et qu’un lecteur qui connait mes textes gagnerait des clés supplémentaires, tout comme toi avec certaines de tes obsessions (les démons, les inversions logiques, les renards etc.). Si tu faisais la liste, je pense que tu devrais retrouver la plupart des miennes, à part les relations hommes-femmes bien entendu…
Et si je te disais que cette histoire raconte au final davantage celle du Petit Poucet que celle d’Alice au Pays des merveilles, ça t’aiderait à rendre le texte plus intéressant ?Zwei, qu'est-ce qu'une forêt vient faire là-dedans, tu essaies de me dire que je t'ai créé et inversement, et moi je te dirais que pour une série d'accidents nous sommes quand même une sacrée série d'accidents.
Le comique du texte ne s’arrête pas forcément aux phrases elles-mêmes mais plus dans le fonctionnement du texte lui-même, dans la façon de jeter de la poudre de Perlimpinpin pour distraire le lecteur de l’essentiel et qui rend anecdotique les choses fondamentales (en l’occurrence ici Descartes). Et également, c’est un comique très tournée sur l’absurde. Par exemple, tu ne dis aucun mot sur la façon dont le magicien construit et réussi son tour. J’aurais bien aimé voir si tu voyais comment le tour de magie est mis en scène.Parlant de ça, en un mot, si le texte avait été un peu plus comique je me serais peut-être pris à le relire pour voir ce que j'aurais pu manquer. Mais en l'état, j'ai plus l'impression qu'on essaie de me prendre mes cailloux.
Je parle également de comprendre le monde, mais en réalité, que fait le texte fondamentalement à propos du monde ? Puis, quand le texte passe en mode dialogue (d'ailleurs,, j'ai voulu m'y essayer un peu façon Petch, j'ignore si je m'en sors d'ailleurs bien), qui détient finalement le pouvoir ?
Et je trouve aussi assez drôle mon utilisation du fantastique et combien le texte fonctionne sur des paradoxes quand on y réfléchit bien. Je pense que le fond du comique (le comique d'intention notamment) peut difficilement apparaître à une première lecture... Tout comme l'absurdité sous-jacente... Ce qui fait que tout le dernier paragraphe doit se lire avec un grand sourire. Mais bon j'ai un humour tordu, mais ça, je pense que tu commences à le savoir...
je dirais plutôt que je disparais dans la tête du lecteur et qu’il est censé voir le monde à la fin avec mes yeux (c’est-à-dire de ne plus le voir ni le comprendre ) Et la boucle est bouclée, il est à ma place du début du texte. Disons que c'est une option possible du texte...La seconde, c'est qu'au terme de la lecture je suis censé me retrouver face à mon écran -- ou feuille de papier, je suppose -- et constater que de un, il n'y a que moi, et de deux, il y a le monde.
Quelque chose me dit que tu n'as pas vu le vrai tour ou tout du moins l'astuce du tour...Et là je dirais aussi que les personnages sont encore trop passifs.
En fait, j’ignore si je suis un grand magicien, mais je me suis bien amusé à me découvrir bien meilleur magicien que je ne le croyais, et à dire vrai, j’ai moi-même été surpris de réussir mon (mes) petit(s) tour(s)… Maintenant, je sais que ce n'est pas parfait. Je suppose qu'il faudrait couper dedans mais, comme je te l'ai dit, c'est un texte qui est résumé dans son entier dans la première phrase (que je trouvé assez drôle pour ma part, quand on se place du côté de l'auteur, bien entendu).
Ce texte est un peu le miroir du Loup Garrou. J'y tentais de faire plonger littéralement le lecteur dans la tête de mon personnage, là c'est moi qui essaie à la fin de rentrer dans la sienne. En tout cas, c'est ma tentative.de fusionner avec lui.
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