Chap 8 : A l’Ombre du Monolithe Rouge de l’Île Sanctuaire
- Zarathoustra
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Chap 8 : A l’Ombre du Monolithe Rouge de l’Île Sanctuaire
En arrière sur les terres eldreds, après les célébrations des retrouvailles, la communauté yhlak restée avec les blessés s’organisait peu à peu dans sa nouvelle mission. Elle s’était fixé pour priorité non pas de rejoindre au plus vite leurs soldats mais de donner plutôt un maximum de chances à chacun de survivre et de ressourcer tous ceux qui avaient été épuisés par les efforts incessants qu’avaient exigés jusqu’alors les militaires. Dans leur esprit, après cette longue semaine passée à convertir leurs proches à la perception du mantra proposée par Lonstroek, la soudaine décision du devin de réunir son peuple leur avait permis de définitivement lever le voile de leur culpabilité d’avoir abandonné une partie de sa famille, des amis ou des proches pour le camp des dissidents. Dorénavant, il n’y avait plus à avoir tort ou raison, mais juste désormais à œuvrer dans le même but de donner vie à ce si beau rêve que tous se plaisaient à entrevoir. A vrai dire, Reyv’avih avait réalisé plus que ça, il avait rendu la cohabitation de deux visions possibles, elles ne s’opposaient plus l’une à l’autre mais définissaient un projet encore plus vaste qui leur resterait à bâtir quand tous seraient réunis sur l’Île Rouge.
Quand Lonstroek se promenait parmi tous les blessés, il voyait à nouveau toutes ces femmes s’activer auprès d’eux pour les soigner, les réconforter, mais partout il y avait dans les yeux de petites étincelles qui lui donnaient chaud au cœur. Là où la veille, beaucoup mourraient faute d’espoir, même les plus gravement touchés s’accrochaient désormais à la moindre parcelle de vie pour gagner le droit de poser le pied sur leur terre sacrée. Vyréhel, à ses côtés, lui insufflait son entrain si bien qu’il lui arrivait d’être pris de vitesse dans les directives qu’elle donnait désormais autour d’elle avec tant de conviction. Plus qu’une compagne et un soutien, elle était devenue un vrai relai. Il découvrait également avec amusement ses initiatives pour améliorer leur quotidien, elles-mêmes délicieusement amplifiées par toutes ces femmes qui prenaient tant à cœur leur nouveau rôle dans la société. Du statut de faire-valoir silencieux, elles étaient devenues une vraie force motrice dans les prises de décisions. Leur regard sur les problèmes qui hier encore paraissaient insurmontables ou complexes balayait les difficultés avec leur pragmatisme bon enfant et le soin qu’elles mettaient en chaque chose pour rendre à tous la vie meilleure. Au-delà de ces initiatives et de leur nombre proportionnellement accru dans la communauté, elles découvraient une écoute nouvelle et un respect inhabituel qui ne faisaient qu’accroître leur confiance.
Et Lonstroek ne pouvait s’empêcher de penser qu’il était à l’initiative de tous ces changements qui avaient rendu partout le mantra si tangible. A ses yeux, son peuple autour de lui n’avait jamais été aussi uni. Le guerrier aurait tant voulu qu’Ilda fût encore là uniquement pour lui faire partager sa foi en l’avenir. Il l’imaginait en train de se tenir à ses côtés, avec son regard fuyant quand il voudrait la convaincre. Alors, il fallait s’approcher d’elle comme on le faisait auprès d’un animal craintif, puis l’appâter petit à petit pour lever une à une ses craintes. Et ce n’était que lorsqu’elle capitulait totalement qu’elle levait vers vous ses yeux clairs et que se cristallisait sur son visage ce sourire triste d’enfant qui n’ose plus rêver. Il aimait la serrer fort dans ses bras, la soulever du sol malgré la corpulence de sa taille comme si ce geste pouvait lui faire perdre pieds à ses cauchemars. Parfois, il lui arrivait même de l’entendre rire, un rire court et clair mais qui venait de si loin qu’on aurait dit qu’il surgissait d’un autre monde. Et ce rire, il aurait eu besoin de le réentendre une dernière fois…
Ce fut perdu dans ses pensées que Vyréhel le retrouva. Il ne put s’empêcher de sourire en voyant qu’elle avait mis des fleurs blanches dans ses cheveux. La personnalité des deux femmes était si différente qu’il ne voyait plus les traits qui les rapprochaient l’une de l’autre mais tout ce qui avait forgé sur ce visage une identité propre et qui appelait une vie si différente. Jamais il n’aurait pu battre cette jeune femme comme il l’avait fait ce fameux jour avec Ilda, parce que rien en elle n’en faisait une de ces éternelles victimes. Au contraire, elle était née pour lutter afin de trouver sa place dans un monde qui ne l’avait jamais attendue. Depuis la matinée, elle dégageait une telle énergie qu’il eut un petit geste de recul pour ne pas se sentir emporter par elle alors qu’il avait encore ce besoin de recueillement en lui. Pour la rassurer, il se saisit de sa main.
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L’attente va être dure pour nous tous…
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Oui, c’est pourquoi j’ai demandé qu’on augmente notre vigilance et qu’on renforce les guetteurs.
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Derrière ce petit corps de rêve, tu ne dissimulerais pas une âme de soldat, toi ?
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Et toi, derrière ce corps de soldat, tu ne cacherais pas l’âme d’une femme ?
La phrase manqua sa cible, les mots rappelèrent instantanément au guerrier le visage d’Ilda. Elle continuait de le hanter si bien que le silence qui suivit le trahît cruellement. A son tour, Vyréhel lui saisit son autre main et le regarda droit dans les yeux, toute suppliante.
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Tu n’as pas le droit de penser à elle… Tu auras tout le temps quand nous serons sur l’île…
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Je…
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Tais-toi !
Elle se mit sur la pointe des pieds en attirant le guerrier à elle avec ses bras autour de son cou pour l’embrasser. Il n’y avait là pas de véritable amour, juste un besoin d’apaiser une angoisse qui la rongeait parfois. Toute sa vie, elle avait vécu plus ou moins dans l’ombre de sa demi-sœur, plus ou moins cachée ou contrainte à ne pas attirer sur elle l’attention. Sans tenir pour autant sa revanche sur elle, elle voulait vivre sans trouver encore une fois sa présence sur son passage.
Lonstroek se laissa faire, plus par lâcheté que par besoin de se faire pardonner. Si elle mettait toute son ardeur à lui faire oublier son deuil, sa ressemblance avec son épouse le perturbait de plus en plus. Elle l’avait d’abord irrésistiblement attirée à lui mais, peu à peu, elle lui renvoyait sa propre faiblesse. Sans qu’elle le voulût, les différences qu’il constatait entre les deux femmes ne faisaient que lui rappeler pourquoi il avait tant aimé Ilda. Lorsque leurs lèvres se désunirent, il garda le silence, incapable de répondre quoi que ce fût, et encore moins ce qu’attendait la jeune femme. Elle s’éloigna de lui dans la précipitation, visiblement blessée par une telle absence de réaction. Bien que dos à lui, aux gestes précipités de sa main vers son visage, il devina qu’elle pleurait.
Derrière lui, il entendit des ruades de chevaux. Les cavaliers ne cessaient leurs allers-et-venus entre eux et la ville de Valdec. Un groupe venait d’arriver. Il les rejoignit pour connaître les dernières nouvelles et, à leur expression et à leur précipitation, il savait que le message était important. La nouvelle était effectivement incroyable : les habitants de Valdec livraient la ville sans combattre. A la place de se réjouir, une consternation totale accueillit ces paroles. Si, depuis leur arrivée en Eldred, leur peuple avait dû arracher chacune de leur victoire, pour les plus pessimistes, une telle nouvelle pronostiquait déjà une catastrophe, car il existait forcément un prix à payer pour chaque chose, aussi inespérée fût-elle.
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Valdec n’était pas la plus grande citée que les yhlaks avaient conquis sur le long chemin jusqu’à l’océan, sauf que les multiples batailles, et surtout la toute dernière, avaient considérablement affaiblies leurs forces. Si elle ne disposait sans doute que de quelques centaines de miliciens et militaires plus ou moins entrainés, la ville avait à sa disposition tout le reste pour les broyer : des murailles épaisses munies de canons, d’imposantes fortifications sur le port et une population vingt fois plus nombreuses que le millier de soldats dont disposait encore ce peuple pour reconquérir l’île sacrée.
En se retrouvant au cœur de la cité, avec loin derrière eux leurs femmes et enfants, leurs blessés et tous leurs vieillards, chaque soldat se sentit vulnérable et happé dans un vaste piège qu’il ne pouvait encore comprendre mais dont la logique paraissait impitoyable. Dans la tête de tous, il était strictement impossible qu’une nation aussi grande que l’Eldred les laisse ainsi regagner leurs terres sans lutter. Certes, ils avaient entendu les rumeurs sur les multiples menaces qui ne cessaient de s’abattre sur elles, mais l’Empereur aurait dû au contraire donner pour consigne aux citadins de lutter de toutes leurs forces pour faire barrière le temps qu’une nouvelle armée soit levée pour les anéantir définitivement. Pour eux, une telle réaction impliquait forcément une manœuvre pour les amener précisément là où leur nation avait décidé de les détruire. Aussi, leur crainte s’était déplacée sur le périple qui les attendait sur l’eau, là où leur vulnérabilité allait être encore plus grande, ou alors pire, sur leurs frères et sœurs qu’ils avaient laissés en arrière, quasi sans défense.
Même Reyv’avih restait perplexe. Il n’avait aucune idée pour affronter cet inespéré et angoissant imprévu. Il se réunit avec tous ses lieutenants pour établir un plan d’action. Tous étaient d’accord sur la priorité d’atteindre la Lisonge, qu’importe le piège qui pouvait les attendre là-bas, car au moins ils pourraient se battre contre un ennemi, contrairement sur l’océan où ils seraient totalement dépendants de l’équipage eldred et dans l’incapacité de conduire un combat efficace. Aussi leur objectif prioritaire se focalisa sur le moyen d’atteindre avec certitude leur île. Pour cela, puisqu’ils ne pouvaient se défendre par la force, ils cherchèrent en premier lieu comment augmenter le prix de leur perte, c’est-à-dire à un niveau qui dépassât largement celui de navires et de leurs équipages, qui de toute façon leur avait été offert sans même qu’ils ne le réclamassent, comme si la ville eût prouvé ainsi sa bonne foi, alors qu’à leurs yeux elle ne prouvait que leur servitude à un plan plus vaste destiné à les anéantir. Quand on suggéra de prendre en otage des enfants pour s’en servir comme bouclier sur l’eau, Reyv’avih ressentit l’appel de Grug, ce double qui lui avait inspiré tant d’horreurs, et son premier réflexe fut de lutter contre cette idée parce qu’il avait la certitude d’avoir découvert sa véritable identité et son destin en se débarrassant de lui. Il craignait aussi qu’une telle mesure ne se retourne contre l’essentiel de son peuple qu’il avait laissé quasi sans défense entre les mains de Lonstroek ; s’il cédait, lui-même deviendrait celui qui aurait non pas uni son peuple mais séparé à jamais. Il finit par accepter l’idée parce qu’elle apparaissait, contre toute attente, comme la plus logique et la seule susceptible de leur offrir une véritable protection sur l’océan. Et puis, ses lieutenants avaient également insisté sur le fait que la réaction de la ville à leur requête sur saurait également les aiguiller sur les intentions réelles des eldreds. Aucun parent ne pouvait accepter de condamner sa progéniture, et encore moins ceux de toute une ville, sauf à ce qu’une autre menace plus grande encore ne pèse sur eux.
Ils profitèrent de la dernière réunion avec les dignitaires qui avait été prévue pour arrêter les derniers préparatifs de leur départ. Lorsque les yhlaks ajoutèrent cette ultime exigence, on put lire dans les yeux des eldreds toutes les nuances de l’effroi et de la panique. Pourtant, après s’être concertés pendant quelques minutes trop courtes, ils donnèrent leur accord une nouvelle fois pour prouver, disaient-ils, leurs bonnes intentions. A dire vrai, les yhlaks avaient vraiment pensé tout au fond d’eux obtenir un refus et une violente réaction, si bien que ce fut à leur tour d’être effrayés. Quel monstre de parents pouvaient-ils être ou quel prix pouvait valoir le sacrifice de leurs propres enfants ? Une fois les termes précisés, soit une trentaine d’enfants par bateau, y compris parmi la progéniture des plus hauts dignitaires de la ville, Valdec toute entière fut empreinte de vagues successives de nervosité, et de plus en plus grandes au fur et à mesure qu’on s’approchait de l’heure. Elles touchaient d’ailleurs les deux camps, d’autant que, pour chaque haut dignitaire, avait été nommé un yhlak pour l’accompagner et la présence d’autres yhlaks natifs d’Eldred requise pour contrôler toutes les discussions et les modalités qui en découleraient. Un ultimatum de deux heures avait également été fixé de manière à limiter tout risque de manigances derrière leur dos. Le climat devint si lourd que les soldats eurent encore plus hâte de quitter cette ville étrange et se retrouver au plus vite sur les navires qui les conduiraient vers l’Ile Rouge. La tension monta au point qu’elle les empêchait de se projeter mentalement dans leur vieux rêve enfoui et de commencer déjà à le bâtir. Même Reyv’avih la partageait avec son peuple. A vrai dire, il la sentait dans tout son corps, car plus que jamais il portait sur lui l’entière responsabilité du destin qui les attendait. Malgré tout, s’il voulait mener lui aussi de tout son cœur son peuple au succès pour le récompenser de l’ensemble de ses efforts et de ses sacrifices, mourir sur l’île ne lui serait pas apparu comme une véritable défaite. De plus en plus, il tenait sa mission pour accomplie dès lors que son peuple aurait posé les pieds sur l’Île Rouge. Toutefois, pendant le délai de l’ultimatum, les yhlaks décidèrent de se réunir à nouveau pour pousser plus loin encore leurs exigences de manière à tester davantage les intentions de la ville
Quand, avec plus d’une heure de retard, on finit par leur apporter les enfants, soit en tout plus de deux cents, ils avaient décidé de tendre à leur tour un piège aux eldreds. Alors que retentissaient les pleurs des plus petits, paniqués d’être parmi tous ces soldats étrangers, sans qu’aucune présence féminine ne vînt adoucir la réalité autour d’eux, ils annoncèrent qu’ils ne libéreraient leurs otages qu’une fois qu’ils auraient la certitude qu’aucune menace ne les attendait également sur l’île. Cette fois-ci, la réaction fut spontanément plus violente. Les parents amassés en cercle autour d’eux et contenus par les soldats commencèrent à les menacer. Beaucoup refusaient l’idée, des échanges agressifs avec les hauts dignitaires fusaient de part et d’autre du port. Avant que tout ne dégénère trop vite, un dignitaire, visiblement de l’Ordre de Vuldone, sortit des rangs et s’approcha des yhlaks. Le brouhaha menaçant s’apaisa pour faire place à une extrême inquiétude. Avec un réel aplomb, il leur expliqua alors que la ville avait déjà beaucoup fait et que cette nouvelle exigence était inutile, puisque, dès que les enfants leur seraient livrés, ils n’auraient plus aucune certitude de les revoir un jour vivant et que, de toute façon, cette possibilité de les garder dépendait dès le départ de leur bon vouloir. Il rappela enfin qu’aucun de leurs jeunes otages n’était responsable de ce qui avait pu se passer l’île, il y a des siècles, et qu’il serait profondément injuste de condamner sous l’élan de la colère tous ces enfants parce que leurs ancêtres avaient un jour profané le temple d’un autre peuple et d’un autre culte dans d’autres temps.
Paradoxalement, une telle réaction désarma totalement les yhlaks pour l’interpréter. Si leur objectif avait été de les voir refuser afin de prouver l’existence d’une menace sur l’île, les arguments avancés par le religieux soulignaient également une réelle inquiétude quant à leur réaction face au spectacle des exactions et des profanations perpétrées il y a des siècles. Et, en toute honnêteté, ils étaient eux-mêmes perplexes parce qu’ils ignoraient eux aussi comment véritablement ils réagiraient quand ils en découvriraient les vestiges, même s’ils s’attendaient au pire depuis longtemps. Soudain, il leur parut abject d’exposer des enfants aux caprices de leur humeur, car beaucoup parmi eux étaient des pères qui avaient eux-mêmes laissé derrière eux femme et enfants. Il était d’ailleurs fort probable que jamais ils ne les revissent s’ils condamnaient ainsi les enfants eldreds du fait d’inévitables représailles de cet puissant peuple.
Reyv’avih avait jusqu’à présent laissé les initiatives à ses lieutenants qui étaient plus habiles et expérimentés pour faire aboutir de telles négociations. Cependant, devant les doutes qui apparaissaient dans le cœur de chacun, il prit à son tour la parole et fit la promesse solennelle de les restituer intacts si aucune menace ne les attendait et qu’il s’engageait personnellement à les épargner quelles que soient les exactions commises par le passé qu’ils découvriraient sur l’île. A ces mots, il sentit curieusement son cœur battre plus intensément et plus vivant comme jamais il ne l’avait été. Pourtant il tenait dans sa main le destin de deux peuples, sauf que quelque chose de nouveau en lui le poussait à les sauver, comme une voix d’un autre âge, comme une conscience plus exacerbée qui lui chuchotait qu’un monde meilleur restait encore possible pour tous. Il y a peu, de telles idées lui eussent paru si naïves qu’il n’existait aucune chance pour qu’elles ne gagnent prise sur lui, mais ici, sur ce port d’embarcation qui leur ouvrait la voie vers la Lisonge, elles étaient comme nécessaires pour accomplir leur rêve dans toute sa beauté, alors qu’au contraire, le massacre d’enfants l’aurait instantanément anéanti ou fait basculer dans les cauchemars d’hier dont il commençait tout juste à se débarrasser. Pourtant, au moment de quitter le port, partout sur les rives, les visages inquiets et angoissés des pères et des mères ne quittaient des yeux les navires, comme s’ils ne devaient plus jamais revoir ces petits êtres qui étaient sortis de leur chair et rappelaient à tous que, plus qu’un rêve, un ultime cauchemar les attendait sans doute sur l’île.
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Plus en arrière sur les terres eldreds, on attendait chaque nouvelle avec appréhension, d’autant que leur impuissance la rendait encore plus intolérable. Aussi, lorsqu’ils apprirent enfin le départ de leurs guerriers sur l’île, le voyage qui débutait faisait basculer leur peuple vers l’inconnu le plus total. Désormais, ils seraient complètement séparés de leurs semblables et ne connaitraient leur sort qu’en fonction du bon vouloir des eldreds. On avait songé un moment se précipiter pour les rejoindre pour partir avec eux, mais il aurait été impossible d’arriver à temps et ils n’auraient qu’accru les contraintes du voyage. Alors, chacun se mit soit à espérer soit se morfondre.
Dans ce climat si pesant, le couple que formaient Vyréhel et Lonstroek paraissait tantôt comme indécent pour ceux qui les jalousaient d’avoir pu rester ensemble, tantôt comme rafraichissant pour ceux qui espéraient un jour retrouver cette paisible harmonie qu’il dégageait autour de lui. Régulièrement, le soir, ils erraient soit ensemble, soit chacun de leur côté pour aider, soutenir ou apaiser leurs semblables. Quand ils finissaient par se retrouver dans leur tente, ils étaient imprégnés de culpabilité d’être encore deux au milieu de tant de veuves ou d’épouses ou de mères angoissées. Même parmi les soldats blessés, Lonstroek avait l’impression d’être un lâche en n’ayant pas pris part au long périple qui attendait ses anciens soldats. Et une fois seuls, leurs étreintes ressemblaient davantage à une fuite qu’à un amour fougueux. Dans ces moments, en suspens entre eux, l’ombre d’Ilda grandissait. Vyréhel avait beau déployé ses charmes et sa fraîcheur, elle n’arrivait pas à chasser le voile qui l’effrayait dans les yeux de son amant.
Quand ils apprirent le chantage sur les enfants que leur peuple avait commis, tous craignaient depuis des représailles. Dans la foulée, on avait renforcé les gardes et disposer des guets à l’aide des cavaliers. Les nouvelles de Valdec infirmaient d’ailleurs cette nécessité, car la rancœur des pères et mères des jeunes otages partis sur les navires s’accroissait d’heures en heures. Aussi, perdus sur ces terres, sans réelles forces militaires, ils se sentaient complètement fragiles et vulnérables. De manière un peu ridicule, Vyréhel avait éprouvé le besoin de garder sur elle la fameuse épée qu’elle avait trouvée près du corps d’Ilda. L’arme lui donnait confiance. A dire vrai, elle faisait plus que ça ; elle lui ouvrait le cœur de tous ces hommes meurtris dans leur chair, parfois même amputés et défigurés pour défendre leurs semblables et continuer de les conduire aussi loin que la force d’Okkhor les autoriserait face à la toute-puissance de Vuldone. La plupart avaient dans leurs yeux comme un voile vide qui l’effrayait comme s’ils s’étaient déjà résignés à mourir ici. Avec son épée à la main et ses gestes qui se voulaient héroïques pour les défendre, elle les avait faits rire, et ce rire lui avait apporté un peu de joie quand elle retrouva Lonstroek.
Le lendemain matin, une rumeur ne cessa de monter dans la région qui confirmait que les eldreds, guidés par l’Ordre de Vuldone, avaient bien tendu un piège sur l’île. On ignorait précisément sa nature, mais elle était suffisamment redoutable pour que tout Valdec craignît pour le sort de ses enfants si les yhlaks la découvraient prématurément. L’inaction devint alors si intolérable qu’on décidât de reprendre la route sur Valdec, qu’importât le sort qui les y attendrait. Un silence opressant les accompagnait que même les enfants ne semblaient vouloir interrompre. Leur cadence restait des plus mesurée car, en même temps, ils redoutaient de devoir affronter la ville trop rapidement. Lorsque la lumière du jour déclina, on s’arrêta à nouveau pour réinstaller le campement. Pendant que chacun s’activait pour l’établir, tous se disaient dans leur for intérieur que, si tout se passait bien, les enfants seraient de retour dans la nuit et, alors, il leur serait à nouveau permis de rêver d’un avenir enfin radieux.
Tandis qu’on préparait les feux de la veillée, Vyréhel eut l’idée de faire parler ses proches amies à propos de ce qu’elles attendaient de la vie en Lisonge. Pour beaucoup, elle était une fin en soi qu’elles n’avaient pas réellement envisagée. On disait que ce serait forcément mieux que dans le froid ou perdu ici au milieu des eldreds. On se disait aussi qu’il faudrait sans doute rebâtir leur grand temple et que peu d’entre eux avaient de réelles compétences en architecture ou dans l’art de construire de tels édifices. Or il était impératif pour tous qu’il fût à la hauteur du sacrifice qu’ils avaient fait pour arriver jusqu’ici. Peu à peu, les langues se délièrent, un peu aider par le vin qui circulait et chauffait les joues des uns et illuminait les yeux des autres. On commença à envisager la vie sur place. Certains faisaient part du rêve absurde de pouvoir reconquérir leurs autres terres dès qu’ils seraient plus forts et nombreux ; d’autres imaginaient une vaste communauté coupée du monde où chacun pourrait vivre comme bon lui semblât, loin des guerres et des sacrifices. Au contraire, ce serait l’occasion unique de bâtir une nation aussi idéale que possible. Alors, bien entendu, des esprits plus terre à terre disaient que tout ceci était utopique, que jamais les eldreds ne les laisseraient en paix, mais qu’importe, petit à petit, tous se mettaient à rêver. Certes, leurs soldats pouvaient déjà être morts, mais Okkor leur avait permis d’arriver jusqu’ici, alors pourquoi les laisser mourir là-bas ? Au fil de l’avancée de la nuit, un nouveau silence émergea, cette fois-ci plus léger, dans lequel se cachait malgré tout un immense espoir.
Quand les deux amants arrivèrent sous leur tente, une véritable tendresse les animait. Ils avançaient tête contre tête en se tenant par la main, chacun un peu ivre de vin. Pendant toute la soirée, Lonstroek avait regardé Vyréhel se démener pour que cette veillée ne fût pas lugubre. Il l’avait vue inviter les uns et interroger les autres, pour que tous se libèrent du poids qui les avait étreints toute la journée. Et que ce fussent des hommes ou des femmes, tous l’avaient admirée. A la lumière des flammes, le guerrier l’avait trouvée encore plus belle et fascinante. Elle n’était pourtant pas très grande, mais ce soir-là, pour tout son peuple, elle l’avait été jusqu’à en être immense, avec son courage inespéré, son enthousiasme parfois naïf, et encore plus avec ses allures bouffonnes quand elle bombait le torse en se mettant sur la pointe des pieds en trottinant et secouant la tête et prenait cette grosse voix que les enfants adoraient pour raconter une improbable anecdote. Et quand elle s’était mise en garde avec son épée face aux groupes de blessés pour qu’ils défendent le cercle d’enfants de sa menace qu’elle voulait terrible, tous avaient bien ri. Ce soir-là, au gré de ses questions, de ses propos, elle avait su donner une place à chacun sur les terres qui les attendaient en Lisonge, avec une grâce mutine et spirituelle qu’il ignorait d’elle. Alors, il s’approcha doucement d’elle tandis qu’elle se dévêtissait pour la prendre en arrière entre ses bras et lui chuchoter dans le creux de l’oreille un simple merci qui renfermait tant d’émotion contenue et sincère qu’il fit frissonner d’orgueil la jeune femme.
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Quand les voiles furent déployées et que les navires prirent enfin le large, il y eut une première vague de soulagement à n’apercevoir aucune autre menace à l’horizon. L’essentiel des équipages était constitué de marins eIdreds de manière à ramener les bateauxà Valdec et aussi parce qu’ils étaient bien meilleurs navigateurs que les yhlaks habitués aux paysages de glace. La traversée nécessitait un peu moins d’une demi-journée et au bout de deux heures de navigation, on devina les premières formes de l’île, avec sa silhouette montagneuse et les deux autres îlots qui l’accompagnaient. Pour l’heure, elle paraissait juste comme une ombre dérisoire et petite, mais chacun y projetait déjà ses fantasmes. Comment cette silhouette sombre, pour l’heure si décevante au vue de la grandeur de leur rêve, pouvait renfermer en son sein tant de grandeur et de légendes ? Comme la couleur rouge avait toujours été celle d’Okkor, leur dieu de vie et de mort, tous s’étaient imaginé à son approche voir de l’eau cet éclat écarlate et surnaturel jaillir de la moindre roche, comme si elle n’eut été constituée que de rubis. Seulement, à cette distance, elle restait juste un rêve opaque et sombre qui gardait encore chacun de ses secrets.
Au milieu de ce vaste océan, tous se sentaient désormais infiniment vulnérables, comme enchainés à un destin sur lequel ils n’avaient plus prise. Désormais, ils étaient à portée de la moindre batterie de canons et, pour l’éviter, ils avaient pour seul maigre bouclier cette poignée d’enfants à leur bord, en espérant qu’il fût un prix suffisant. Plus ils s’approchaient de la Lisonge et plus ils sentaient en eux monter une angoisse que l’attente oisive et le dessin de plus en plus net des côtes, qui enfin se révélaient à leurs yeux, rendaient encore plus palpable.
Bientôt, le ballet des mouettes, des sternes et des fous de Bassan s’amplifia dans un ciel limpide où seuls quelques nuages s’étiolaient mollement au gré du vent qui gonflait et claquait dans les voiles. Au loin, on distinguait maintenant le sable quasi blanc de la plage qui servirait pour accoster sur l’île. Il y eut une réelle déception à voir apparaitre un véritable écrin de verdure tant la végétation s’était développée. La Lisonge formait un vaste losange qui s’étirait en deux pointes dont l’une se prolongeait quasi jusqu’à l’un des deux îlots qui l’accompagnaient. Le massif montagneux qui la constituait pour moitié comportait trois sommets aux formes largement arrondies, tandis que la pointe nord était plus largement couverte d’une végétation sauvage qu’on devinait régulièrement balayée par les vents violents.
Pourtant, au milieu des flots, son immobilité impassible renforçait son mystère pour ce peuple qui l’attendait depuis si longtemps. Maintenant qu’elle apparaissait d’une manière si tangible à eux et que la menace des canons s’estompait, on s’obstina à chercher du regard si des troupes pouvaient encore totalement se dissimuler à ce stade dans l’île, mais la menace n’arrivait plus à prendre corps dans la tête des yhlaks. Ils avaient trop attendu ce moment pour imaginer qu’ils pussent se faire anéantir armes au poing sur ce qui allait redevenir leur terre. Dans leur esprit, ils devenaient comme invincibles puisqu’Okkor les protègerait lui-même enfin d’avoir retrouvé la fierté dans son peuple sur sa terre ancestrale.
Quant à Reyv’avih, maintenant que l’on commençait les préparatifs de l’accostement, un mauvais pressentiment l’étreignait. Plus le navire s’approchait, et plus il voyait son peuple croire au mantra. Or il n’avait à ses yeux plus aucun sens. Il aurait voulu croire à la vision de Lonstroek mais elle ne lui parlait pas davantage. Seul comptait ce visage qui le harcelait et dont il avait rêvé et qui l’avait fait plonger au cœur du monolithe. Et seul en lui aussi, il trouverait sa réponse au Mantra. Et dans peu de temps, si Okkor les protégeait jusque-là, tout son peuple attendrait à nouveau sa confrontation avec ce monolithe, le plus sacré d’entre tous, pour entendre une nouvelle révélation en guise de bénédiction pour tous leurs efforts, alors que lui allait se retrouver, encore cette fois, seul face à lui-même. Il la redoutait aussi parce qu’il ignorait plus que jamais qui se cachait tout au fond de lui-même. Etait-il cet imposteur qui avait un jour fait basculer tout son peuple vers ce destin ? Ou ce fou qui l’avait ensuite entrainé dans la fureur ? Ou cet homme soudain si impassible et empreint de sagesse qui avait réuni son peuple ? Il se plaisait à imaginer que, en incarnant tour à tour chacun de ces trois visages, il avait dans les faits permis à tout son peuple de vivre son grand rêve. Peut-être qu’Okkor, après tout, l’avait-il véritablement choisi ? En tout cas, pour la première fois depuis le départ, il se sentait définitivement débarrasser de sa culpabilité. La seule faute qu’il avait encore envie d’expier demeurait cet égarement incontrôlé de rage sur la dépouille d’Ilda. Certes, il ne l’avait pas tuée, mais il devait chaque jour chasser de sa mémoire l’image de son visage lacéré et de son corps transpercé par ses propres mains. Cette image le hantait si bien qu’à chaque fois qu’il se projetait face au Monolithe Rouge, il s’imaginait le toucher avec les mêmes mains recouvertes du sang d’Ilda. Et là, il entendait cette voix mystérieuse issue du plus profond de la terre qui semblait sortir de la roche même le ridiculiser devant tout son peuple en lui disant qu’il était trop tard et qu’il n’avait de toute façon jamais rien compris. Alors que pour la toute première fois, il sentait en lui l’immense satisfaction d’avoir rempli sa mission, il voyait tout son peuple se détourner bizarrement de lui comme s’il n’avait jamais été rien d’autre que cet imposteur qu’il y a peu était censé attendre le signe du monolithe violet. Cependant, il ne tarda pas à être tiré de sa sinistre rêverie par la nécessité de regagner à son tour un canot.
On avait commencé par débarquer les enfants le temps de s’assurer qu’il n’y avait aucune force armée visible dans les parages. Ils avaient été disposés en cercle sous la surveillance de quelques guerriers. Vu la configuration de l’île, il paraissait maintenant difficile de dissimuler une armée capable de les anéantir sans laisser aucune trace de son passage ou trahir sa présence. C’est pourquoi des groupes d’éclaireurs avaient été formés afin de se positionner sur les principales hauteurs et quadriller les éventuelles cachettes. Par prudence, il fut décidé de ne relâcher les enfants que le lendemain matin, quand tous les éclaireurs auraient fini leur inspection et fait leur rapport.
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Contrairement à ce que les vuldoniens avaient d’abord exigé, Gisère soutint qu’il était impossible de lancer le rituel aussi près du Monolithe, car il y avait autour de lui comme une présence bienveillante qui semblait perturber les forces nécessaires au magicien pour l’accomplir. Une fois les choses bien définies, ils s’étaient cachés sous un abri de fortune constitué de branchage de manière à attendre la fin du débarquement. Personne n’avait pu les prévenir de la présence des enfants. D’abord, ils remarquèrent l’absence de femmes ; puis, la solennité du débarquement et les nettes différences vestimentaires les avaient mis également en alerte sur la nature de ces mystérieux prisonniers. Cette nouvelle bouleversait leur plan, ou tout du moins faisait entrer toute une implication morale qui aurait mérité débat… A la stupeur de Gisère, les religieux envisagèrent sérieusement à ne rien différer.
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Mais vous êtes complètement fous !
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De quoi vous mêlez-vous ! L’Ordre l’a décidé et vous nous devez obéissance !
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Mais je ne vous dois rien du tout. Et inutile de me dire que c’est vous qui en prendrez la responsabilité ! Comme si le mot responsabilité avait encore un sens ici !
La voix zozotante de Gisère ôta bien entendu toute la portée et la dignité à ses propos. Cependant, aucun vuldonien ne répliqua. Il y a un mois, jamais l’Œil de Dieu n’aurait pris part à un tel débat, mais depuis qu’il avait lui aussi touché un mystérieux monolithe dans une forêt, il ne comprenait plus le monde, ni qu’on pût chercher à remettre en cause une telle directive. Son humanisme avait disparu, seul lui importait désormais la grandeur de son dieu, avec un cynisme froid qui avait pris la place de son ironie bienveillante. Malgré tout, il ne comprenait pas les tergiversions de ses frères pour entraîner prématurément ces enfants innocents dans leur mission. Aucun dieu ne pouvait à ce point compter les heures pour obtenir un tel prix… Au final, ils décidèrent malgré tout de s’en remettre au lendemain en espérant que les eldreds seraient d’ici là tous repartis.
Quand le soir tomba, l’œil de Dieu préféra s’isoler. Lui et ses frères vuldoniens avaient passé la matinée et une bonne partie de la veille à arpenter l’île, à la mesurer pas à pas pour déterminer les emplacements que le magicien avait calculés. Il leur avait demandé de tracer comme des lignes imaginaires à partir des plus hauts points de l’île. Puis aux intersections de chacune, il avait planté un bâton sur lequel il avait gravé de mystérieux signes tantôt en retirant l’écorce, tantôt à l’aide d’une poudre colorée. Au bout de nombreux autres calculs abscons, le magicien avait fini dans la matinée par ne retenir que trois points précis à équidistance des uns des autres. Autour d’eux, il avait creusé un cercle de trois pas de rayon. Et dans chaque cercle, il avait à nouveau dessiné divers signes à l’aide de poudre rouge, bleue et noire qu’il avait fini par enflammer. Une étrange fumée opaque et très parfumée s’en dégagea. En quelques secondes, la chaleur avait solidifié les tracés qui formèrent sur le sol d’harmonieux dégradés, à l’exception de la poudre noire qui, elle, avait gagné une finesse magnifique de déliés d’écriture comme si on avait utilisé une immense plume d’oie.
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D’après mes calculs, je peux lancer le rituel de ces trois emplacements pour couvrir la quasi-totalité de l’île. L’idéal serait d’éviter celui-là car il est le plus proche de leur monolithe.
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Pourquoi ? Vous craignez que leur Dieu n’interfère ?
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Comme si les dieux avaient quelque à chose à voir. Non, mais comme j’ignore ce qu’il renferme, je préfère être prudent.
Il expliqua également qu’il faudrait certainement chercher à en éloigner les yhlaks. C’est pourquoi ils avaient prévu de s’en approcher à l’aube pour examiner les lieux. Le plan était simple, ils déclencheraient le rituel dès que les enfants auraient quitté l’île. Juste après, ils les attireraient vers eux. Gisère avait annoncé ce détail comme si de rien n’était, avec une certaine jubilation intérieure très visible quand il entendit les réactions des vuldoniens face au danger que cela impliquait.
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La magie que je vais employer gagne en puissance quand il y a un mouvement et des groupements.
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Vous nous aviez dit qu’il n’y avait aucune difficulté ?
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Ce rituel est fait pour les champs de bataille, pas pour cette île. Comparez-la avec un vrai champ de bataille et demandez-vous pourquoi quasiment aucun magicien n’a lancé ce sort sur une telle surface ?
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Vous voulez dire qu’il y aura des survivants ?
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Ne comptez pas trop là-dessus. Par contre, lorsque je commencerai le rituel, vous ne devrez surtout pas sortir de mon cercle. Quoi qu’il se passe et quoi que vous ressentiez -vous entendez- ne le quittez pas !
Le périmètre du cercle était suffisant pour les accueillir tous les six sauf qu’il précisa également qu’ils devraient éviter tout contact avec lui, ce qui obligerait certainement les vuldoniens à se tenir serrés les uns contre les autres pour laisser au magicien sa liberté de mouvement. Jusqu’à présent, le rituel n’avait été pour l’Œil de Dieu qu’une abstraction, comme s’il suffisait de psalmodier quelques psaumes ou incantations pour lui donner vie. La confrontation avec ces cercles sur le sol lui donnait comme un corps tandis que le bâton planté en son cœur en incarnait toute sa violence. Heureusement, la nuit autour de lui adoucissait toutes ces images. Il avait beau ouvrir grand les yeux pour la percer, elle restait un bandeau lénifiant qui dissimulait toute la beauté et la barbarie de ce monde.
Une moitié de l’île était de nature montagneuse tandis que l’autre mélangeait les dunes et les bois. Cela ne faisait que quelques jours qu’il la parcourait, mais il sentait en lui à chaque pas qu’il faisait dessus l’envie de l’aimer davantage et partageait sa fascination qu’elle avait exercée sur ce peuple mystérieux venu du froid. Il ne pouvait s’empêcher de penser qu’à leur place, il aurait aussi combattu pour elle. La lune lui offrait sa douce lumière pour s’approcher de la côte. Depuis plusieurs minutes, ses pieds commençaient à s’enfoncer dans le sable si bien qu’il se contenta de gravir les derniers mètres pour atteindre le sommet de la dune. En fait, il ne voulait plus descendre jusqu’à l’océan, mais juste deviner la présence des vagues à travers leur scintillement nocturne et sentir leur éternelle énergie mourir sur les rivages. Il avait mené bien des batailles, mais jamais on n’avait réclamé la vie d’enfants de son propre peuple. Pendant des années, il avait imaginé que sa sagesse aurait pu apaiser les excès de l’Ordre de Vuldone mais depuis que le monolithe lui avait sondé son âme et révélé sa noirceur, il avait eu ce besoin de libérer lui aussi sa rage et accepté son fanatisme. Il sentit en lui le besoin de fumer la pipe mais s’abstint pour ne pas signaler sa présence à l’ennemi. Un contact inattendu d’une main sur son épaule le fit sursauter.
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Vos frères ne sont pas de très bonne compagnie. Vous acceptez ma présence à vos côtés ?
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Disons plutôt que c’est leur zèle… Comment des hommes peuvent-ils oublier d’être des humains ?
Gisère le regarda avec ses petits yeux de chauve-souris et un sourire narquois très désagréable pour qui devait en faire les frais.
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Parce que vous croyez que tous ces yhlaks ne valent pas autant que ces enfants ?
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Si l’idée vous déplait à ce point, alors pourquoi avoir accepté ?
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Vous mélangez deux choses différentes : la Morale et le Devoir…
Il était curieux d’entendre cette voix si ridicule prononcer des mots si graves et si justes. Lentement, le magicien prit soin de plier ses longues jambes maigrelettes en tailleur pour regarder le spectacle de la nuit lointaine sur les flots.
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J’ai le Devoir de faire ce que nul autre ne voudra faire. Et parce que les elfes eux-mêmes n’auraient pris d’autre décision si leur survie en avait dépendu… Mais parlons d’autre chose…
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Vous croyez vraiment y parvenir ?
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Pourquoi ? Vous en doutez ?
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On dit que ce rituel vous volera également une partie de votre vie…
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C’est probable. Mais c’est aussi pourquoi je veux le lancer.
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Je ne comprends pas…
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Je veux le lancer pour ne pas mourir…
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Décidément, votre magie est trop mystérieuse pour moi !
Sur leur droite, quelques éclats de voix montèrent jusqu’à eux. Les deux hommes se turent. Un groupe d’éclaireurs devait regagner le campement des yhlaks en longeant la plage. On devinait en eux une véritable exaltation. L’un d’eux se mit même à chanter, très vite rejoint par ses camarades, si bien qu’ils passèrent à une vingtaine de mètres sans avoir aucune chance de remarquer leur présence. Puis, Gisère et le prêtre restèrent plongés dans leur mutisme, comme emportés par le grondement incessant des vagues. De là, le monde semblait loin de toute la folie des hommes. Pourtant, partout sur cette île, elle avait laissé sa vaste empreinte, et plus les deux hommes gardaient le silence et écoutaient la voix si rauque de l’océan, plus le cri silencieux du Monolithe Rouge s’amplifiait en eux et transperçait peu à peu leur corps et leur tympan, jusqu’à se loger dans leur crâne pour ne plus en sortir de la nuit. Saisis par le même effroi, ils regagnèrent leur cachette de branchages pour y chercher l’oubli dans leur sommeil. Au lointain, on entendait les liesses des yhlaks qui fêtaient leur retour sur leur île sacrée.
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*
Pendant tout ce temps, les yhlaks avaient à leur tour débarqué sur l’île. Il aurait été strictement illusoire de contenir ce peuple loin des vestiges de son temple sacré. Pendant tout leur long périple sur les terres eldreds, ils avaient entendu une multitude de récits sur ce qui s’y était déroulé. Pour les yhlaks si longtemps cloitrés dans le froid et le long hiver, l’image du Temple Rouge d’Okkor s’était cristallisée comme un havre inaccessible où chacun pouvait y projeter ses rêves. De décennies en décennies, de siècles en siècles, il avait gagné en splendeur et en puissance symbolique. Initialement un refuge pour les plus grands prêtres d’Okkor et bibliothèque de savoir, bâti dans un calcaire blanc comme la craie avec, en son centre, cet étrange et surnaturelle cercle de monolithe rouge, il était devenu un symbole d’unité et une sorte de paradis de part en part écarlate pour cette nation disséminée dans les glaces et perdue dans l’affrontement du quotidien pour juste survivre et subvenir à ses proches.
Au-delà du mythe qu’elle avait fini par incarner pour ce peuple, le statut tabou de leur île leur avait juste prouvé à quel point leur destin était lié et qu’elle attendait leur retour. Seulement, avec les siècles, elle avait conservé sa propre réalité que son peuple avait fini par oublier. Les premiers pas des yhlaks sur cette terre se firent avec le sentiment d’être totalement perdu car plus personne ne connaissait l’emplacement du temple, aussi chacun se dissémina dans l’île à sa recherche. Il n’y eut pas longtemps à chercher car l’édifice avait été bâti au cœur des terres, mais du côté des dunes pour offrir l’un des plus beaux panoramas sur l’océan à ceux qui en sortaient. Même si chaque yhlak s’y était préparé au fil des récits qu’on leur avait colportés, la découverte de la fureur qui avait guidé son saccage suscita une stupeur telle qu’elle se changea très vite en colère. Une véritable souffrance continuait de se dégager de toutes ces pierres martelées, souillées d’obscénité ou brisées, comme si on avait voulu effacer à jamais leur place sur ce monde. Il y avait aussi en eux une forme d’humiliation ultime de n’avoir pu l’empêcher et de l’avoir ignoré si longtemps, au point de se demander s’il n’eut pas mieux fallu tous mourir à cette époque plutôt que de s’enfuir pendant des siècles dans ce long exil et recevoir aujourd’hui cette honte de l’avoir laissé seul affronter ces envahisseurs qui les avaient si impitoyablement pourchassés…
Cette découverte terrifia à son tour Reyv’avih. Il lui était même douloureux de regarder ces pierres fracassées comme si elles faisaient partie de lui, avec au milieu ce cœur énorme qui surplombait la scène et qu’il sentait battre devant lui. Malgré le changement de couleur de la roche, il eut le sentiment d’avoir la même présence face à lui que celle dans la glace, comme s’il n’avait jamais parcouru ces milliers de kilomètres, sauf qu’il la connaissait maintenant plus intimement pour l’avoir portée en lui chaque jour durant. Et toutes les meurtrissures qu’il découvrait sur sa surface, et surtout cette fissure oblique et serpentueuse comme une racine qui balafrait la pierre sur toute sa largeur, devenaient la preuve de sa responsabilité de l’avoir abandonnée il y a des mois, sauf qu’il ne ressentait plus de défi à l’affronter mais une peine immense à soulager et à endosser à son tour.
A la stupeur de tous, il se mit à genoux et resta prostré devant le monolithe. Des larmes lui coulèrent des yeux, dans un silence quasi-onirique. Il y avait en lui plus que cette peine de découvrir une partie de leur rêve aussi dévastée, il y avait surtout cette impossibilité à contenir la frustration d’être un rien parmi les siens, l’effroi de s’être fait dévorer de l’intérieur par un démon qui l’avait conduit à nier qui il était et enfin ce déchirement de voir la seule femme qu’il eut aimé le repousser et la voir morte des mains de cet autre qui lui avait privé de tout espoir de gagner un jour son cœur. Le monolithe portait tout ce poids en lui et plus encore, celui de tout son peuple qui s’était perdu et qui avait espéré le retrouver toujours intact dans sa grandeur. A dire vrai, pour tous, sa soudaine fragilité leur révélait une autre forme de puissance bien plus précieuse et le spectacle qu’ils affrontaient la rendait même si tangible qu’elle donnait envie de se battre jusqu’à son dernier souffle.
Petit à petit, d’autres yhlaks se disposèrent autour de la pierre pour prier. Chacun devint le témoin d’un destin sur le point de se briser. Un immense silence plein de respect s’installa, laissant ces guerriers oublier leur fierté pour libérer à leur tour quelques larmes qui se joignirent à celles du devin dans une sorte de communion, comme si elles avaient pu remplir le vide qu’ils sentaient en eux face au monolithe. Ils ressemblaient à des enfants qui découvraient pour la première fois la réalité qui se cachait derrière le visage impassible d’un mort.
Puis, petit à petit, ils se relevèrent, toujours en silence, seulement avec quelque chose de plus puissants que si les liens du sang les avaient unis. Il y avait soudain une immense fierté d’appartenir à un peuple à qui on avait voulu tout retiré, jusqu’à nier son existence, et qui avait trouvé la force de regagner ses terres ancestrales. Sur le chemin de la plage d’accostement, on décida de reconstruire un temple à partir des ruines de l’ancien. Peut-être ne serait-il pas aussi beau mais il leur fallait assumer ce qui faisait dorénavant partie de leur histoire et retransmettre aux générations futures la douleur qui s’était abattu sur eux quand ils avaient redécouvert leur île sacrée.
Le climat sur la plage avait changé, des enfants pleuraient car plusieurs yhlaks avaient passé leur colère sur certains d’entre eux et on parlait de les massacrer pour faire payer aux eldreds les blasphèmes qu’ils avaient commis. Quand le devin arriva, ce sentiment était d’ailleurs largement partagé, y compris par ceux qui avaient prié avec lui.
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Mes frères, tout comme vous, ma douleur est immense. Et ces enfants devant nous ne l’éteindront jamais en mourant. Et surtout, nous avons une mission à remplir qui est plus grande encore !
Dans sa tête, tout était clair. Céder à cette pulsion revenait à condamner leurs autres frères et sœurs restés sur le continent. Et surtout, tôt ou tard, ils devraient à leur tour en payer le prix car jamais les eldreds n’accepteraient une telle barbarie. Au contraire, plus que jamais, il importait maintenant de vivre en harmonie avec eux pour qu’ils les laissassent vivre sur leur île maudite. Ce message d’apaisement finit par gagner le cœur de chacun.
Au fil des heures, les premiers groupes d’éclaireurs, petit à petit, commencèrent à rentrer, confirmant l’absence d’une force armée sur l’île. Pour la première fois depuis des mois, ce peuple eut le sentiment d’avoir arraché le droit de vivre en paix. Enfin, il sentait son rêve à porter de mains, avec le pouvoir de l’avoir gagné à la force de ses bras et de sa volonté, et non plus de continuer à l’arracher dans le sang. Son long voyage jusqu’ici l’avait réduit à une petite dizaine de milliers d’hommes et de femmes là où ils avaient été jusqu’à dix fois plus. Déjà, on imaginait cette nouvelle vie quand les yhlaks seraient enfin réunis sur leur terre.
En signe d’apaisement, on invita les équipages eldreds sur les navires à venir se joindre aux festivités qui se préparaient. Cette demande laissèrent les marins perplexes quelques instants, soit qu’il s’agît d’un piège, soit qu’ils craignissent de trahir le destin secret qui attendaient les yhlaks. Pour ne pas les offusquer, on descendit des soutes des vivres et des barriques d’alcool qui furent accueillis avec enthousiasme. Devant eux, il n’y avait plus un peuple de guerriers terrifiants mais des hommes désireux de paix et de fraternité. Le nouvel esprit qui régnait sur l’île avait libéré à leur tour les enfants de leur peur. Ils s’étaient remis à jouer sans que personne ne vienne les gronder, dans cette immense aire de jeu que constituait une île faite de plages, de forêt et de montagne.
On profita des dernières lumières du jour pour chercher des réserves de bois afin de célébrer ce qui allait constituer une grande date dans l’histoire de ce peuple exilé. Et, sans doute pour la première fois, eldreds et yhlaks chantèrent à tour de rôle, puis tous ensemble en chœur. On bût aux femmes laissées sur le continent. On dansa bras-dessus bras-dessous sur les airs de chacun. L’alcool aidant, il y eut des rires, il y eut des pleurs, mais aucun n’eut une seule raison de se battre contre un soit disant ennemi avant de tomber à son tour de sommeil.
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L’Œil de Dieu ne réussit quasiment pas à dormir. Il ne cessait de revoir le monolithe rouge dans ses rêves et de revivre l’effrayant contact qu’il avait vécu avec l’autre monolithe bleu, comme si les deux lui parlaient d’une même voix. Jusqu’à cette nuit, il avait été persuadé d’avoir été maudit, comme si un être surnaturel avait cherché à lui voler son âme. Et là, au cœur de cette nuit si étrange où des hommes chantaient sans savoir qu’ils ne leur restaient qu’une poignée d’heures à vivre et que lui avait une partie de leur destin dans la main, il sentait le même appel que celui du monolithe bleu résonner en lui, à la différence près qu’il ne le vivait plus comme une agression mais plutôt comme un appel à l’aide, comme si le rituel qui allait être prononcé se répercuterait bien au-delà de cette île, comme s’il pouvait à jamais faire basculer l’équilibre du monde tout entier.
Au fil des heures à veiller, il se regardait comme face à lui-même et ne comprenait plus comment il avait pu changer à ce point jusqu’à devenir cet homme en colère et aveuglé qui reniait les valeurs qu’il avait toujours défendues. Plus encore, il se répugnait de participer à cette mise à mort inutile et démesurée de tout un peuple, parce que, pour lui, aucun dieu ne pouvait exiger quelque chose d’aussi dérisoire quand les eldreds avaient tant à lui offrir et déjà tant offert… Bien entendu, les yhlaks en vénéraient un autre qui exigeait lui aussi des sacrifices et qu’on disait aussi plus colérique… Peut-être qu’il n’était rien pour en juger, mais cette mystérieuse voix qui cherchait à lui parler dans une langue inconnue lui laissait entendre le contraire. Il n’était pas qu’un témoin, ni un acteur passif, mais il avait encore le pouvoir de changer les choses.
Quand les premières lueurs de l’aube filtrèrent du vaste horizon laissé devant lui par l’océan, le prêtre pouvait encore apercevoir les silhouettes des navires qui mouillaient non loin des côtes. Il se mit à patienter jusqu’au réveil de ses frères en espérant trouver une autre issu. Les deux langues parlées constituaient une première barrière pour espérer prévenir quiconque. En même temps, il avait conscience que l’échec de leur mission impliquerait certainement l’implosion de l’Empire Eldred, si bien qu’il chercha plutôt un moyen pour que le massacre ne fût pas total. Il repensa alors aux possibles interférences avec le monolithe que le magicien avait évoquées. Un instant, il s’imagina en train d’attirer le plus possible d’yhlaks dans ses parages, alors même que le but des autres prêtres serait de les en éloigner. Seulement, il ignorait s’il était véritablement prêt à se sacrifier de la sorte ou à trahir son propre Dieu pour répondre à une cause qui lui paraissait pourtant juste. Un peu plus loin, les vagues inlassablement continuaient de s’échouer sur le rivage dans un vaste soupir grésillant qu’il écoutait obstinément comme s’il avait pu contenir une solution. Malheureusement pour lui, ses confrères se réveillèrent à leur tour bien avant qu’il ne trouve de réponses à ses angoisses. Gisère fut le dernier à les rejoindre. Son visage montrait déjà un niveau de concentration tel que le creusement de ses traits le faisait encore plus ressembler à une chauve-souris. Il regarda lui aussi longuement le vaste horizon de l’océan. Il semblait tout entier s’y plonger. L’œil de Dieu aurait espéré y découvrir un peu de l’humanité qu’il avait devinée en lui la veille au soir, mais il ne put y lire à cet instant que la certitude que les yhlaks étaient de toute façon condamnés. Alors de sa poche, il sortit une pipe, la bourra et l’alluma d’un geste qui se voulait calme.
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- Zarathoustra
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Pour revenir à ce chapitre 8,, sur le plan de la narration et du style, j'ai volontairement recherché une forme de classicisme (style gropavé comme dit Vuld). Je trouve que c'est ce qui sied le mieux à mon histoire.L'enjeu de chapitre était principalement pour moi faire cohabiter l'intime, la grande histoire et une vue d'ensemble sur ce peuple. Paradoxalement, ce sont les scènes intimes avec mon personnage féminin qui m'ont le moins inspiré alors que généralement ce sont celles que j'aime le plus écrire.
Derrière cet encore relativement long chapitre, j'ai recherché à transcrire et faire partager ce qu'on pouvait vivre face à un tel destin, de manière à ce que, quand il se termine, on s'intéresse véritablement à ce peuple et à ce qui l'attendra dans le chapitre final, comme s'il était lui-même devenu un personnage à part entière de mon histoire. C'est un peu défi pour moi parce que j'ai plutôt tendance à écrire à hauteur de mes personnages et très peu en vue d'ensemble. D'ailleurs, je crois que c'est le seul texte que j'ai écrit avec cette approche. La dimension expérimentale pour moi s'est située ici. Il est possible que ça ne soit pas une difficulté pour vous, mais pour moi, c'est clairement quelque chose de nouveau.
En espérant vous donner la fin d'ici quelques semaines.
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- Zarathoustra
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Les yhlaks sont un peuple qui a été chassé et persécuté par les eldreds (qui ont dans la foulée formé la plus grande nation humaine). Les yhlaks ont fini par attirer tout au nord, parmi les terres les plus froides. Là, ils sont découvert un cercle de Monolithes violets qui ressemblait étrangement à celui qu'ils vénéraient sur leur île sacrée, la Lisonge. Reyv'avih est leur devin qui était sensé attendre l signe de leur Dieu pour changer leur destin. Dans les faits, il était davantage un imposteur qu'un véritable devin, seul un couple, Lonstroek et Ilda, l'avait encore pris en affection.
Un jour, le devin entend de drôle de bruits bizarres. Il décide qu'il s'agit du signal du monolithe et emporte tout son peuple pour reprendre leurs terres ancestrales. De victoire en victoire, il devient peu à peu possédé et imprévisible autant que sanguinaire. A ses côtés, Lonstroek devient son plus fidèle lieutenant et s'affirme comme un grand général, tout en étant obnubilé par un mantra ou une vague prophétie qui est censé résumer le destin de leur peuple qui dit: « Que tout ce qui vous divise soit banni de vous. Soyez un Tout, soyez l’Unique. Cette simple vérité est en chacun de nous ». .
En parallèle, avant leur départ, Ilda a eu une étrange expérience avec le monolithe violet et pressent une catastrophe. Ilda est une femme immense et maladivement timide (dont on pressent que son père l'a traumatisée). Au fur et à mesure que son peuple bascule dans la barabrie en s'approchant d son but, elle devine qu'il court à une catastrophe. Un jour qu'elle se met ouvertement à douter de l'interprétation du mantra par son mari, ce dernier la bat à mort. Pendant ce temps, les eldreds organise une vaste offensive sur les yhlaks qui auraient dû les annéantir si Lonstroek n'avait pas poussé les femmes à se battre de toutes leurs forces.
Le soir, après cette longue bataille, il redécouvrir le corps inerte de sa femme et décide de l'enterrer. Le devin qui était irrésistiblement attiré par cette femme (ce qui avait occasionné des tensions entre les deux hommes), le suit en cachette. Une fois l'époux parti, il veut profiter une dernière fois de son visage. Et là, il comprend que c'est Lonstroek qui lui a volé cette femme y compris dans sa mort et qu'il ne pourra jamais la posséder et rendre dans une fureur incontrôlée qui le pousse à la massacrer à coups d'épée.
On confie Lonstroek à Vyréhel qui n'est personne d'autre que la demi-soeur d'Ilda dont l'existence a été plus ou moins tenue secrète par la grand-mère pour tenir à l'écart le père. La ressemblance avec Ilda est des plus troublante, elle est cependant plus petite et fragile. La jeune femme en profite pour séduire la générale. Le lendemain, Reyv'avih accuse Lonstroek qui, dans la foulée, rongée d remord, avoue avoir une toute autre vision du mantra qui répond davantage à la vision qu'avait sa femme. Il est immédiatement banni et laissé quasiment mort.
Entre temps, Vyréhel retrouve le cadavre de sa demi-sœur et comprend que le devin est devenu à moitié fou. Ce dernier l'a aperçue dans la tente de Lonstroek et croit qu'il s'agit du fantôme d'Ilda venu le persécuter d'avoir massacré son corps..
Le chapitre 6 montre comment le peupl se trouve diviser par leurs deux chefs. La vision du mantra de Lonstroek ayant touché notament pas mal de femmes qui se sentaient exclues jusqu'à présent de l'interprétation qui avait conduit ce peuple à entrer en guerre. Une communauté dissidente se crée autour de lui.
Le chapitre 7 montre comment le couple se réunit à nouveau, notamment suite à une sorte de révélation de Reyv'avih qui rejette soudain l'homme qu'il est devenue, notamment parce qu'il est harcelé dans ses rêves par des visions d'Ilda/Vyréhel et qu'il entend comme une voix mystérieuse qu'il interprète comme étant celle du Monolithe. Alors que les yhlaks arrive à la dernière étape de leur périple avant de pouvoir regagner Lisonge, leur île sacré où se trouvait leur plus beau temple et le cercle sacré des monolithes rouges, ils apprennent que Valdec, le port qu'il voulait conquérir pour la rejoindre, se rend à eux sans lutter.
Derrière ce geste se cache une manoeuvre de l'ordre religieux des eldreds, les vuldoniens, qui a convaincu l'empereur de faire appel à leur magicien pour anéantir les yhlaks. Ce dernier cède aussi parce que les menaces sur l'empire ne cesse de s'abattre et qu'il est sur le point d'imploser. Le magicien se nomme Gisère, il s'agit d'un homme imprévisible et désagréable qui déteste ouvertement l'Empereur et les Vuldoniens. Il accepte en l'échange de pouvoir accéder à la Larme du Géant qu l’ordre tient caché secrètement (il s'agit d'une référence au Rêve d'Ether).
5 vuldoniens tienne compagnie à Gisère sur l'ile. Ils découvrent à leur tour ce qui reste du temple d'Okkor (le dieu des yhlaks) ainsi que l'étrange cercle de monolithe rouge qui produit sur eux une profonde détresse et une forme de répugnance de ce qui a conduit à de telles profanations (La Lisonge avait été depuis des siècles instaurée par l'Ordre de Vuldone comme une île taboue). Le chapitre se termine en gros quand ils se préparent à accueillir les yhlaks pour les anéantir.
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- Iggy Grunnson
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Je jette un coup d'oeil à ton texte rapidement...
Iggy
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- Iggy Grunnson
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Ca n’est pas très facile car la première chose à dire de ton chapitre, c’est que malgré sa longueur il est très dense et multiplie les protagonistes, et, dans une moindre mesure, les rebondissements.
Commençons par ça, tiens. La première partie du texte (en gros jusqu’au départ pour l’île) est un peu décevante, en tout cas bien en deçà de la seconde à mon sens. En cause : malgré tes efforts, on reste au niveau d’un résumé qui ne se hisse pas à la hauteur des éléments que tu as mis en place. Toute la négociation autour des enfants est trop rapide, on ne sait pas vraiment qui y prend part (par exemple : qui prend la décision de prendre en otage les enfants ?) et les réactions des uns et des autres sont trop schématiques pour qu’on puisse vraiment ressentir la tension. Ce serait bien à un moment ou à un autre de s’attarder pour donner plus corps aux événements (ex. Un négociateur met la main sur la garde de son épée, prêt à craquer ; les mères se rassemblent en chœur de pleureuses, etc.).
De même ça manque un peu de descriptions ; par exemple l’entrée des yhlaks dans Valdec pourrait être l’occasion, au travers d’une description des lieux, de faire ressentir les émotions contradictoires qui parcourent les envahisseurs. Leur départ en bateau pour l’île pourrait aussi être l’occasion d’une scène mémorable (pourquoi pas en y plaçant le chœur des mères abandonnant leurs enfants ?)
Enfin, ce qui renforce l’impression d’un résumé un peu confus c’est la construction de certaines phrases, qui s’appuient trop sur des pronoms en lieu des noms des personnages, au point qu’il est parfois difficile de savoir qui fait quoi. Un exemple tout bête qui illustre ça :
Ce fut perdu dans ses pensées que Vyréhel le retrouva.
Franchement, en lisant vite on pourrait croire que c’est Vyréhel qui est perdue dans ses pensées. Pourquoi ne pas remplacer plus simplement par : « il était perdu dans ses pensées lorsque Vyréhel le retrouva. » ?
D’autres exemples :
qu’il lui arrivait d’être pris de vitesse dans ses directives qu’elle donnait désormais autour d’elle
comme si ce geste pouvait lui faire perdre pieds à ses cauchemars .
elle dégageait une telle énergie qu’il eut un petit geste de recul pour ne pas se sentir emporter par elle alors qu’il avait encore ce besoin de recueillement en lui
qu’il avait la certitude d’avoir découvert sa véritable identité et son destin en se débarrassant de lui
Plus en arrière sur les terres eldreds, on attendait chaque nouvelle avec appréhension, d’autant que leur impuissance la rendait encore plus intolérable. Aussi, lorsqu’ils apprirent enfin le départ de leurs guerriers sur l’île, le voyage qui débutait faisait basculer leur peuple vers l’inconnu le plus total. Désormais, ils seraient complètement séparés de leurs semblables et ne connaitraient leur sort qu’en fonction du bon vouloir des eldreds. On avait songé un moment se précipiter pour les rejoindre pour partir avec eux, mais il aurait été impossible d’arriver à temps et ils n’auraient rendu les contraintes du voyage que plus importantes.
La dernière phrase est problématique : « on » devient « ils » ; le « eux » devrait désigner les eldreds…
Je pense que dans la plupart des cas, il s’agit d’étourderies car on retrouve moins ce genre de problème dans la deuxième moitié du texte. Il y a d’ailleurs aussi plus de maladresses de style et de coquilles dans la première moitié que dans la suite :
leur poids numériquement plus grand
la corpulence de sa taille
C’est limite de la goujaterie à ce niveau là
La deuxième moitié du texte, donc. Une fois arrivés sur l’île, les choses s’améliorent car les enjeux sont plus clairs et le nombre de personnages plus réduit. Gisère, L’œil de dieu, Reyv’avih ont tous suffisamment d’espace pour exister. De même que l’île, qui s’incarne au fil des descriptions que tu en fais. Ce qui est bien dans tes textes c’est que tu ne prends pas partie, chaque personnage a ses fêlures et ses travers et rien dans la façon dont tu racontes l’histoire ne laisse préjuger de la manière dont elle va se terminer.
Les personnages : parlons-en. En te lisant, je comprends mieux ce qui peut te dérouter (voire franchement te déplaire) dans mes textes. Mes personnages à moi sont des sphinx, qui ne laissent rien paraître ; les tiens sont des boules d’humanité vibrante qui pleurent, crient, aiment, ragent, etc. sans jamais s’en cacher. Ce serait assez édifiant je pense de prendre un de nos textes à chacun et de lister les mots relevant du champ lexical des émotions. Je ne dis jamais ce que mes personnages ressentent ; tu ne fais que ça. Chaque élément de description pris seul sonne un peu trop cliché (ou plutôt trop didactique) dans la mesure où tu nommes les émotions plutôt que de les suggérer ; mais c’est dans la superposition des élans parfois contradictoires que tu donnes une vraie texture et une densité à tes personnages. Le plus souvent, ça fonctionne très bien : je pense par exemple à la découverte du monolithe par Reyv’avih, ou à la soirée pendant laquelle Vyréhel remonte le moral des troupes…
Il y a quelques occasions en revanche où les oppositions sur lesquelles tu joues sont moins heureuses. Par exemple ce passage :
Il y a un mois, jamais l’Œil de Dieu n’aurait pris part à un tel débat, mais depuis qu’il avait lui aussi touché un mystérieux monolithe dans une forêt, il ne comprenait plus le monde, ni qu’on pût chercher à remettre en cause une telle directive. Son humanisme avait disparu, seul lui importait désormais la grandeur de son dieu, avec un cynisme froid qui avait pris la place de son ironie bienveillante. Malgré tout, il ne comprenait pas les tergiversions de ses frères pour entraîner prématurément ces enfants innocents dans leur mission. Aucun dieu ne pouvait à ce point compter les heures pour obtenir un tel prix…
Alors, soit l’œil de Dieu ne pense qu’à la grandeur de son dieu, ou alors il trouve qu’une limite est dépassée, soit il a envie de prendre part au débat, ou alors il reste indifférent aux tergiversations de ses compagnons, mais ça ne peut pas être tout ça à la fois.
De même lorsque Lonstroek se souvient de Ilda avec tendresse, avant quelques lignes plus tard d’estimer que contrairement à Vyréhel elle méritait bien son rôle de punching ball du fait de son tempérament de victime… Ca donne l’impression que Lonstroek est un sociopathe, je doute que ce soit l’effet recherché.
Malgré tout, ces exemples relèvent plutôt de l’exception, et dans l’ensemble on prend beaucoup de plaisir à suivre les passions qui animent tes personnages… Même sans connaître tout de l’histoire !
Un dernier commentaire en forme d’avertissement : je trouve que l’aspect « fantasy » du texte n’est pas très bien géré. C’est une critique qui vaut ce qu’elle vaut malgré tout, il faudrait que je lise le reste de ton histoire pour m’en faire une idée plus précise. Néanmoins la façon dont tu joues cette carte me semble un peu factice : on a deux peuples, les Eldred et les Ilahks, dont les caractéristiques sont trop superficielles pour qu’on y attache de l’importance, et même pour qu’on y croie. Il faudrait insister plus à mon sens sur les particularismes culturels (quelques idées : l’architecture de Valdek déroutant les Ilahks à leur arrivée, les plats concoctés par les Ilahks ne trouvant pas grâce au gout des Eldred lors du festin commun sur l’île, ou au contraire les enfants Eldred apprenant aux Ilhaks à reconnaitre des plantes comestibles dans cet environnement qu’ils ne connaissent pas) pour que le sentiment de dépaysement du lecteur, et plus encore, l’ancrage dans cet univers imaginaire, fonctionne à plein. Le cas échéant, on a l’impression d’avoir simplement quelques noms inventés et jetés en pature au lecteur pour créer une impression d’exotisme de pacotille…
Voilà, j’ai à peu près fait le tour de mes impressions « à chaud ». C’est une lecture agréable dans tous les cas, à ta place je pousserais bien l’exercice jusqu’à scinder le chapitre en deux (avant / après l’arrivée sur l’île) en retravaillant un peu la première partie. Mais bon, tu es le mieux à même de voir comment tout ça s’intègre dans la progression globale de ton intrigue…
Iggy
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- Zarathoustra
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Bon, tu l’as souligné, je n’ai pas eu le temps de fignoler. Je voulais qu’il y ait un texte pour la mise à jour de février qui accompagne le tien.
.En cause : malgré tes efforts, on reste au niveau d’un résumé qui ne se hisse pas à la hauteur des éléments que tu as mis en place. Toute la négociation autour des enfants est trop rapide, on ne sait pas vraiment qui y prend part (par exemple : qui prend la décision de prendre en otage les enfants ?) et les réactions des uns et des autres sont trop schématiques pour qu’on puisse vraiment ressentir la tension
Dès que j’ai abordé cette scène, je savais que je pouvais faire potentiellement très long. Donc mes "efforts" ont été surtout de ne pas faire trop long. En soi, on peut facilement en faire un chapitre. Et je savais que, toi notamment, tu aurais su lui donner de l’ampleur, la scènariser, etc. Ma difficulté, c’est que je ne voulais pas rentrer dans cette dimension pour ne pas me disperser. En soi, c’est ce que j’appelle une scène inutile mais nécessaire. Le but de l’histoire ne se situe pas là, mais sur l’île, donc la développer plus que nécessaire me paraissait pas très intéressant pour le lecteur.
En fait, tu vas pouvoir répondre à ma principale interrogation sur ce chapitre : est-il ennuyant ? S’intéresse-t-on vraiment à ce qui s’y passe ? Parce ce que quand j’ai repris le texte il y a quelques mois (ça faisait 5 ans qu'il dormait), je pensais avoir un chapitre et demi à écrire pour le finir. Au final il y en aura quatre, et très long qui plus est, ce qui fait que j’ai l’impression de diluer l’histoire et mes enjeux. Seulement, je veux que cela soit crédible, donc j’ai besoin de cette longueur. Bref, cette scène, soit je la traite en quelques lignes, soit effectivement, je joue le jeu jusqu’au bout. J’ai fait délibérément le choix intermédiaire (cf le topic dans scriptorium que j’avais lancé).
Mais ton idée me trotte dans la tête quand même.
.Chaque élément de description pris seul sonne un peu trop cliché (ou plutôt trop didactique) dans la mesure où tu nommes les émotions plutôt que de les suggérer ; mais c’est dans la superposition des élans parfois contradictoires que tu donnes une vraie texture et une densité à tes personnages
Là aussi, même chose. Ces descriptions psychologiques mériteraient d’être traitées en scènes de vie, avec un peu de dialogue, comme je l’ai fait dans les premiers chapitres. Cela le rendrait moins austère. Même chose, si j’avais fait ça, j’aurai sans doute doublé la longueur du texte. Toi, en tant que lecteur, es-tu prêt à lire autant de pages pour si peu en termes d’enjeux narratifs ? Je n’ai pas la réponse, donc ton sentiment m’intéresse vraiment. Si j’ai rédigé de manière aussi compact, c’est parce que je ne veux pas l’ennuyer non plus. Y a quand même très peu de vrais rebondissements dans ce chapitre (tout comme dans le précédent). Mais si je suis arrivé à obtenir ce manque, alors c’est que ça fonctionne mieux que je ne le pensais, parce que mon but est qu’on s’attache à ce petit monde et ces personnages.
Mais:
Je n'avais pas vu ce point. Merci du conseil. Enfin... j'avais eu un peu de mal rédiger ce que je voulais faire passer sans en mettre des kilomètres, mais je ne pensais pas que ça pouvait être confu à ce point en le lisant. Tes exemples soulignent bien ce problème effectivement.Enfin, ce qui renforce l’impression d’un résumé un peu confus c’est la construction de certaines phrases, qui s’appuient trop sur des pronoms en lieu des noms des personnages, au point qu’il est parfois difficile de savoir qui fait quoi
…Alors, soit l’œil de Dieu ne pense qu’à la grandeur de son dieu, ou alors il trouve qu’une limite est dépassée, soit il a envie de prendre part au débat, ou alors il reste indifférent aux tergiversations de ses compagnons, mais ça ne peut pas être tout ça à la fois.
De même lorsque Lonstroek se souvient de Ilda avec tendresse, avant quelques lignes plus tard d’estimer que contrairement à Vyréhel elle méritait bien son rôle de punching ball du fait de son tempérament de victime
Et encore, j’ai atténué le contraste ! En fait, tu mets le doigt sur 2 états psychologiques qui me gênent parce que, effectivement, je vais trop vite. L’œil de Dieu notamment. Lui vient du récit du Rêve d’Ether, donc j’ai effectivement un problème avec son évolution psychologique ici car le lecteur du Chant des Pierres n'a pas toute son histoire que je lui restitue succintement. L'évolution est trop brutale et je suis gêné dans mon histoire par ce qu'il est devenu alors que je dois le faire revenir un peu sur ce qu'il était. Au départ c’est vrai humaniste. Le contact avec le monolithe l’a traumatisé et ouvert les yeux sur la nature humaine et la sienne, du moins, c’est son interprétation du message du monolithe. Ce dernier place les personnages face à eux-mêmes, y compris dans ce qu’ils ont de pire. En soi, il fonctionne en quelque sorte « objectivement » dans une démarche positive. Il veut aider les gens à se comprendre.
Seulement, pour te dévoiler une partie de l’intrigue du Rêve d’Ether (dont fait partie cette histoire traitée à part), quelque chose menace le Rêve du Géant qui a créée ce monde. Donc il a changé et cherche à avertir ceux qui le touchent du péril et retransmet sa propre détresse. Le Chant des Pierres, c’est lui qui appelle désormais à l’aide pour protéger le rêve du Géant. En lisant que le Chant des Pierres, on ne peut pas le comprendre. Pas sûr qu’on le comprenne aussi en lisant le Rêve d’Ether
Un dernier commentaire en forme d’avertissement : je trouve que l’aspect « fantasy » du texte n’est pas très bien géré
Je parle ici d’elfe une fois, là aussi parce que j’ai replacé totalement cette histoire dans le contexte du Rêve d'Ether (où il y a beaucoup d’elfes). Cette référence est complètement inutile ici. La dimension « fantasy » est pour ainsi dire hors sujet. Au départ, j’ai rédigé les 5 premiers chapitres en voulant occulter cette dimension Rêve d’Ether. Je voulais même écrire une fin susceptible de rendre l’histoire à part, quitte à ce que de mon côté j’en écrive une autre pour moi qui m’aurait servi à la replacer dans le Rêve d’Ether. J’ai perdu cette envie en route et vous ai donné une autre fin que celle que j’avais imaginée au départ en me relançant dans ce récit. Ici, je voulais être très réaliste et rendre l'aspect fantasy hors-champ. Seule la magie subsiste, mais elle a une fonction hautement symbolique pour moi sur l'interprétation de l'histoire. Donc elle est métaphoriquement réaliste, on va dire.
Il faudrait insister plus à mon sens sur les particularismes culturels (quelques idées : l’architecture de Valdek déroutant les Ilahks à leur arrivée, les plats concoctés par les Ilahks ne trouvant pas grâce au gout des Eldred lors du festin commun sur l’île,
Alors là, cette dimension ne m’intéresse pas du tout, c’est vrai. Et même en tant que lecteur, je vais te dire que ça ne me passionnerait pas, parce que ce qui m’intéresse, c’est au contraire l’universalisme de l’humain. Je regarde des films jalonnais, coréens, russes, français, ricain etc. Des films contemporains ou très vieux. Et curieusement, je suis toujours surpris qu’ils parlent à ce point de choses universelles. L’humain aime, souffre, baise, jalouse, se sublime, s’avilit depuis la nuit des temps aux 4 coins de la planète. Sur ce plan, le particularisme culturel n’existe pas. Certes, on voit des images, des décors, de la nourriture qui changent, et je suis assez avar en la matière, mais cela reste à mon sens totalement secondaire avec mon histoire. Ce serait pourtant effectivement logique, mais ça m’ennuie d’avance de travailler cette dimension...
C’est une lecture agréable dans tous les cas, à ta place je pousserais bien l’exercice jusqu’à scinder le chapitre en deux (avant / après l’arrivée sur l’île) en retravaillant un peu la première partie.
Si vous me dites que mon histoire vous donne du plaisir à la lire et que vous n’avez pas l’impression que je fais trop durer le truc, alors effectivement je reprendrai en ce sens. Encore une fois, j’ai été embarrassé pour le lecteur de lui proposer aussi peu de rebondissements ou de temps forts dans ce chapitre. Je craignais que seul comptait pour le lecteur l’affrontement avec les vuldoniens sur l’île.
Mais, en tout cas, tu as un regard parfaitement critique et lucide, je trouve. Vraiment, tu as vu et souligné tous les points que j'avais vus (et d'autres également), marrant comme tu aies même deviné mes hésitations...
Si j'osais, avec ce que tu as lu et connais de l'histoire, je te demanderais bien quel est le personnage qui t'intéresse le plus et celui qui t'intéresse le moins. Et quelle est la scène qui t'a le plus marqué/intéressé?
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- Iggy Grunnson
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Si j'osais, avec ce que tu as lu et connais de l'histoire, je te demanderais bien quel est le personnage qui t'intéresse le plus et celui qui t'intéresse le moins.
Côté personnages, j'ai eu un peu de mal avec Lonstroek, d'une part à cause du problème que je mentionnais plus haut, et d'autre part parce qu'il apparaît principalement dans la première partie du chapitre, qui est moins aboutie. D'un autre côté j'ai eu de la sympathie pour Vyréhel, qui n'apparaît qu'aux mêmes moments... Alors va savoir!
Tous les personnages sur l'île sont intéressants, que ce soit Reyv’avih, Gisère, ou l'oeil de dieu. Concernant ce dernier, je me fais peut être un film mais au moment où il renonce à allumer sa pipe j'ai perçu une vraie tension , comme si ce geste machinal trahissait le conflit moral auquel est soumis le personnage à ce moment là (donner l'alerte aux eldreds ou poursuivre sa mision)! Je suis sans doute dans la sur-interprétation, mais c'est marrant de se dire qu'il y a un peu de ça qui passe dans ton texte.
Pour le côté fantasy dont je parlais, je ne faisais pas tant référence aux elfes qu'à la géopolitique que tu mets en place dans ton histoire. Je suis d'accord pour dire que l'homme a de tout temps été animé par les mêmes passions, mais il me semble un peu dommage d'évacuer toute la dimension interculturelle de ton texte (alors que si l'on se réfère à l'histoire, les rencontres entre peuples ont été riches en malentendus et en chocs culturels aux conséquences parfois terribles). Disons aussi qu'on ressent un peu (trop?) que tu ne t'intéresses pas du tout à cette dimension, alors que c'est une chose à laquelle un lecteur de fantasy plus "classique" peut s'attendre.
Iggy
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- Zarathoustra
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En fait, je me suis dit qu'il avait effectivement besoin de décompresser et qu'un fumeur (je ne l'ai jamais été) aurait besoin de fumer plus que jamais pour sotir effectivement cette tension qu'il a en lui. En fait, je l'ai fait arrêté dans son geste parce qu'effectivement, mais j'ai un moment eu cette hésitation moi-même. Marrant que tu l'ai senti. Mais, pour moi, dès le moment où il choisit de s'arrêter, je ne pensais pas qu'un doute aurait pu subsister. Je pensais d'ailleurs que son geste de la fin traduisait beaucoup plus de tension qu'ici (mais je ne pensais pas réutiliser la pipe plus tard en écrivant cette scène nocturne sur la plage).Concernant ce dernier, je me fais peut être un film mais au moment où il renonce à allumer sa pipe j'ai perçu une vraie tension , comme si ce geste machinal trahissait le conflit moral auquel est soumis le personnage à ce moment là (donner l'alerte aux eldreds ou poursuivre sa mision)! Je suis sans doute dans la sur-interprétation, mais c'est marrant de se dire qu'il y a un peu de ça qui passe dans ton texte.
Pour Lonstroek, je crois que tu as raison, et ce depuis le début de l'histoire. C'est un personnage qui est un peu terne quoi que je lui fasse faire. En fait, il sert plus à mettre en valeur les autres personnages... On s'intéresse plus à Ilda, au devin ou à Reyv'avih (quand je dis "on", je devrais dire peut-être "je"). Je crois que le seul moment où il m'a intéressé, c'est sur le chapitre 5 quand il bascule. Mais depuis que j'ai repris l'histoire, je n'y arrive plus vraiment.
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- Iggy Grunnson
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En fait c'est une notation un peu bâtarde, d'une part parce qu'il est difficile de juger de façon isolée un chapitre faisant partie d'un ensemble plus grand (surtout que je n'ai pas lu toute l'histoire... Il faut vraiment que je prenne un moment pour le faire!!), mais aussi parce que le niveau est assez hétérogène. La première partie aurait été plus proche du 2 (toutes proportions gardées, et par rapport à ce que tu sais faire par ailleurs!), la deuxième pas loin de 4...
Iggy
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- Zarathoustra
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- Vuld Edone
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C'est trop long.Elle s’était fixé pour priorité non pas de rejoindre au plus vite leurs soldats mais de donner plutôt un maximum de chances à chacun de survivre et de ressourcer tous ceux qui avaient été épuisés par les efforts incessants qu’avaient exigés jusqu’alors les militaires. Dans leur esprit, après cette longue semaine passée à convertir leurs proches à la perception du mantra proposée par Lonstroek, la soudaine décision du devin de réunir son peuple leur avait permis de définitivement lever le voile de leur culpabilité d’avoir abandonné une partie de sa famille, des amis ou des proches pour le camp des dissidents.
Déjà parler de la priorité de cette manière est moyen... "Elle" fait de la communauté un tout uni et actif, ce qui... n'est pas le cas. Il y a plus une inertie, ils ne choisissent rien, ils subissent leurs blessés et les événements. "Après les sacrifices exigés par l'effort militaire, chacun n'était plus préoccupé qu'à panser les blessures et les plaies", pour faire une phrase clichée, mais note la différence : actif vs passif. La communauté ici ne contrôle rien.
J'insiste là-dessus parce que c'est souvent ce qui fait la différence entre un texte de débutant très "JdR" et un texte plus mature où le monde s'impose aux personnages.
Mais pour en revenir à la longueur des phrases, "on sait". On sait d'où viennent les efforts incessants, ou à défaut on s'en fiche. Cette information sur les militaires est de la redite, ça n'a pas de pertinence ici. Idem pour la culpabilité, soit on sait laquelle, soit on se fiche de savoir, à ce stade, de quelle culpabilité il s'agit. Je ne sais pas bien comment présenter la structure de façon simple mais à chaque fois on a un complément de nom qui précise un mot déjà central et suffisamment fort tout seul. C'est comme si tu voulais souligner l'importance de ces mots, "efforts", "culpabilité", en les décrivant plus avant alors qu'il faudrait au contraire s'arrêter sur eux, brutalement, pour les asséner comme un tampon.
"Dans leur esprit, après cette longue semaine passée à convertir leurs proches à la perception du mantra proposée par Lonstroek, la soudaine décision du devin de réunir son peuple leur avait permis de définitivement lever le voile de leur culpabilité."
Boum. Le dernier mot c'est "culpabilité", c'est ce mot que les gens retiendront et ça travaillera dans leur tête, n'en dis pas plus. Soit ils savent soit ils n'ont pas besoin de savoir, l'important c'est qu'ici et maintenant ils savent que la communauté a surmonté un récif.
Okay ici c'est le lecteur en manque de temps -- et donc impatient -- qui parle. C'est une répétition. Le paragraphe m'avait déjà dit que tout le monde il était réconcilié tout le monde il est sympa tout va bien les petites fleurs. Je sais que c'est important mais si c'est important alors ça va sans dire, tout le chapitre précédent était là pour le montrer.A vrai dire, Reyv’avih avait réalisé plus que ça, il avait rendu la cohabitation de deux visions possibles, elles ne s’opposaient plus l’une à l’autre mais définissaient un projet encore plus vaste qui leur resterait à bâtir quand tous seraient réunis sur l’Île Rouge.
Ou alors, une fois encore :
"En vérité Reyv'avih avait réalisé plus que ça. Il avait réconcilié les deux visions."
Point. Fait. Pesé emballé. Même si finir sur un /õ/ n'est pas terrible mais ça c'est un autre problème, niveau sens une fois encore on termine sur le plus important, asséné avec force.
jedirienil voyait à nouveau toutes ces femmes s’activer
"... et partout parmi les blessés, dans leurs regards embrasés il voyait la promesse de leur terre sacrée enfin à portée qui les arrachait au désespoir."... mais partout il y avait dans les yeux de petites étincelles qui lui donnaient chaud au cœur. Là où la veille, beaucoup mourraient faute d’espoir, même les plus gravement touchés s’accrochaient désormais à la moindre parcelle de vie pour gagner le droit de poser le pied sur leur terre sacrée.
Non parce que bon, "donner chaud au coeur" c'est mignon mais là on parle de la destinée d'un peuple, un peu de hauteur. C'est pas un enfant qui boit un chocolat chaud sur un tabouret au coin du feu, ce sont des milliers sur les grèves de l'histoire que la fatalité n'emportera pas. Ce n'est pas une étude sur l'effet placebo, c'est autant de vies humaines soupesées à celle d'un peuple entier. Y a une sorte de palier à franchir, dans l'ordre des choses...
Ici je vais être obligé de faire une remarque sur le fond, et pire encore, sur un terrain qui m'est complètement étranger.Vyréhel, à ses côtés, lui insufflait son entrain si bien qu’il lui arrivait d’être pris de vitesse dans les directives qu’elle donnait désormais autour d’elle avec tant de conviction. Plus qu’une compagne et un soutien, elle était devenue un vrai relai. (...) Du statut de faire-valoir silencieux, elles étaient devenues une vraie force motrice dans les prises de décisions.
Mais.
Durant des chapitres entiers, tout le texte en fait, on a fêté et glorifié la femme, on en a fait des déesses purificatrices que même Ajax vaisselle y poutze moins bien. On a atteint des niveaux propagandaires de description et on s'échine à chaque détour à dire à quel point qu'elles font le café et te réparent Apollo onze avec une boîte à chaussures et deux cure-dents. Si on me demandait, je n'hésiterais pas à dire que dans l'univers des monolithes, la femme est supérieure à l'homme.
Alors je vais concéder ceci : oui, Vyréhel n'est plus silencieuse, et puisqu'elle donne des directives on peut dire qu'elle est effectivement une force motrice dans les prises de décision.
Mais c'est toujours un faire-valoir.
Alors ce peut être un choix, elle a pu décider de s'effacer derrière son amant, ce serait même assez noble mais ce n'est pas ce que le texte dit. Le texte dit qu'elle est "à ses côtés", qu'il "lui arrive" de prendre Lonstroeck de vitesse, qu'elle est... "un relai". Un relai ? Est-ce que tu viens de réduire la plus active des actrices de ton texte à "un relai" ?!
MAIS C'EST LONSTROECK LE RELAI DE VYREHEL !
(Imagine que là je renverse une table.)
Je ne suis même pas sûr de savoir si je suis sérieux ou pas : Lonstroeck n'est en vie que parce que Vyréhel l'a sauvé. Lonstroeck n'a son mantra que grâce aux femmes qui l'ont entouré. Il est passif, depuis le départ, c'est un buvard vivant, une éponge imbibée du féminisme ambiant et qui, sans cela, serait encore en train de taper à l'épée au nom d'un idéal guerrier et aveugle. Lonstroeck n'a jamais été le héros, ni même un acteur, seulement "le mari d'Ilda". Dans la dynamique du texte, c'est lui, le faire-valoir, le relai.
Et pour être tout à fait honnête, cet instant discrédite pour moi toute la gloire exprimée dans le texte. Tous ces moments où on a dit que les femmes étaient grandioses, était-ce parce qu'elles "soutenaient" les hommes ?
En fait, pour être tout à fait honnête, ce texte manque de femmes meurtrières.
Mais oui Lonstroeck. Mais oui.Et Lonstroek ne pouvait s’empêcher de penser qu’il était à l’initiative de tous ces changements qui avaient rendu partout le mantra si tangible.
Sans vouloir insister, ceci et tout ce qui précède, à l'aune de ce que j'ai dit plus haut. Clairement ton initiative, Lonstroeck. Clairement.Lonstroek se laissa faire, plus par lâcheté que par besoin de se faire pardonner.
Mais que... comment ça fonctionne... non, ma stupidité à part, il ne l'aime pas ça d'accord mais elle le sait. Il y a Ilda entre eux d'accord mais elle le sait. Alors oui ça doit être dur pour elle... mais de là à pleurer pile là... c'est théâtral. On vient de suggérer que ce serait une guerrière et elle serait incapable de combattre ses sentiments ?Bien que dos à lui, aux gestes précipités de sa main vers son visage, il devina qu’elle pleurait.
Mais comment ce texte fonctionne...
On est à quelle époque ?des murailles épaisses munies de canons
En fait le climat n'est pas si lourd. Le passage est assez prenant mais surtout parce que les événements s'enchaînent très vite, et que du coup tant qu'on arrive à suivre, on ne peut pas décrocher. Mais en soi ce sont surtout des tractations dont le lecteur se sent quelque peu détaché.Le climat devint si lourd que les soldats eurent encore plus hâte...
Le plus gros problème reste que les Yhlaks jouent les "kira", "je sais qu'ils savent qu'on sait qu'ils savon". Trop de calculs et pas assez de "pauses". On se contente de dire ce qui se passe sans le montrer, et même alors le narrateur n'y met pas vraiment le ton. Imagine un voyageur dans une auberge en train d'expliquer ce qui s'est passé à Valdec, et qui ne s'en soucierait pas vraiment, qui boirait sa bière devant l'assemblée avec le sourire : "et là ils pensaient obtenir un refus violent, alors l'accord, ça les a effrayés." Si l'assemblée ne se souciait pas des Yhlaks ou au moins de Valdec, ses paroles attireraient plutôt les rires ou, au mieux, une vague curiosité.
Donc le problème est purement formel, mais ce passage pose toujours problème et malgré tout le travail dessus, on sent qu'il a été "expédié".
(Renverse une autre table.)sans qu’aucune présence féminine ne vînt...
Et le coeur du lecteur devrait battre aussi mais dans les faits... ben bof. Le retournement est déjà acté, on savait déjà de quel côté penchait Reyv'avih et on peut même se demander pourquoi il a laissé faire autant. Donc pas de surprise et de la difficulté à partager son moment d'émotion.A ces mots, il sentit curieusement son cœur battre plus intensément et plus vivant comme jamais il ne l’avait été.
Et soudainement, le texte devient touchant.On commença à envisager la vie sur place.
Je ne sais pas encore ce que ce passage me réserve mais soudain, je peux enfin partager le destin de ce peuple. Soudain leur voyage, leurs inquiétudes, leurs espoirs, deviennent concrets.
Idem, soudainement le texte devient touchant.alors que lui allait se retrouver, encore cette fois, seul face à lui-même.
On revient au coeur du texte, entre vérité et mensonge, la recherche d'un homme et d'un peuple. Le contraste entre ce que pense le devin et ce que pense son peuple est saisissant.
Une brève remarque sur les nombres... je ne sais pas bien quelle est la taille de l'île, mais à moins de faire appel à la magie, difficile de faire vivre dix mille personnes sur un territoire large d'un jour de marche. Un peu de confusion là.
**** **** ****
Bon ben le début est laborieux mais la fin prenante.
L'impression est surtout, au final, qu'il y a des choses qui ne t'intéressent pas, parce qu'en tant que lecteur on se dit au final "pourquoi on en a parlé" et on remarque que le texte est passé dessus au moins aussi vite que nous. Les négociations, l'organisation du camp des blessés... tout ça est très secondaire. Le texte s'arrête sur la romance Vyréhel / Lonstroeck, sur les craintes de Reyv'avih et sur le piège. Le reste tient presque du remplissage.
On pourrait même commencer à décomposer la logique des événements mais peu importe.
La plus grande difficulté est aussi au niveau du style, où le narrateur n'arrive pas à atteindre la gravité des événements. On parle du destin de tout un peuple comme on parlerait de Jules et Marie dont la voiture a calé en pleine forêt. Très dramatique, à n'en pas douter, mais pas exactement le même niveau.
Le texte réussit surtout quand les personnages se mettent à douter. Dès qu'ils se mettent à jeter des certitudes, ils ennuient. Peut-être, ou certainement, parce que des certitudes on nous en a jeté à la figure quatre fois par chapitre, et ils donnent parfois l'impression de girouettes.
Le devin n'est jamais plus devin que quand il se sent imposteur.
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- Zarathoustra
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D'une manière générale, je trouve que mes derniers chapitres sont trop longs. Et celui-là est assez symptomatique.
En fait, j'ai volontairement adopté ce style un peu ample. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j'imagine qu'il traduit un peu le vécu de ce peuple qui s'essouffle dans sa quête au moment de l'atteindre... Au niveau formel, c'est un style très classique; Même un peu académique. Et donc, d'accord avec toi, un peu ennuyant. La vérité, c'est que je n'ai pas trouvé le vrai style des scènes. Je l'ai fondu de manière assez terne. C'est certainement de là quevient ton sentiment que ça piétine, que ça se répète. Je savais ce que j'avais à dire, je le voyais, mais je ne voyais ni ne sentais un style.Mais pour en revenir à la longueur des phrases, "on sait". On sait d'où viennent les efforts incessants, ou à défaut on s'en fiche. Cette information sur les militaires est de la redite, ça n'a pas de pertinence ici. Idem pour la culpabilité, soit on sait laquelle, soit on se fiche de savoir, à ce stade, de quelle culpabilité il s'agit.
Je pense plutôt qu'il s'agit d'une réequilibrage. Quand tu lis un texte de guerre, Est-ce que tu dis qu'on en fait trop pour les hommes? Non, jamais. Et Est-ce que tu dis que, dans ce texte, on en fait pas assez pour les femmes? Jamais non plus.Durant des chapitres entiers, tout le texte en fait, on a fêté et glorifié la femme, on en a fait des déesses purificatrices que même Ajax vaisselle y poutze moins bien. On a atteint des niveaux propagandaires de description et on s'échine à chaque détour à dire à quel point qu'elles font le café et te réparent Apollo onze avec une boîte à chaussures et deux cure-dents. Si on me demandait, je n'hésiterais pas à dire que dans l'univers des monolithes, la femme est supérieure à l'homme.
Donc je suis surpris par ton sentiment d'en faire trop. Elles ne sont pas divinisées, ce ne sont des sur-hommes ou sur-femmes. Elles font juste des choses normales avec leurs moyens. Seulement, effectivement, le texte souligne (ou surligne si tu préfères) que leur rôle n'est pas quantité négligeable. L'interprétation du Mantra par Lonstroek ne dit pas que la femme est supérieure à l'homme, elle dit juste que chacun est l'égal de l'autre (accessoirement, il dirait plutôt qu'en chacun il y a une part masculine et féminine et qu'il est bon de l'accepter, mais bon, ça, je le laisse interpréter par le lecteur), là où d'habitude l'homme est toujours mis en avant. Vois plutôt que ce féminisme qui te parait outrancier est plutôt une volonté de ma part de rabaisser un peu la stature de l'homme. On en a déjà parlé mais je suis toujours surpris par ton ressenti.
Faisons un travail imaginaire. Tu es une femme. Tu passes ta vie à lire des récits qui te font croire que c'est normal d'être quotité négligeable. Ou qui passe leur temps à montrer les hommes agir. Ou quand il y des femmes qui agissent, elles sont fourbes, abusent de leurs femmes face aux faibles et malheureux hommes...
Bref, tout ça devient à ses yeux logiques. Tout comme il est logique qu'une femme se fasse belle pour faire plaisir aux hommes sans forcément attendre de retour ou la réciproque, que les secrétaires soient à 99ù des femmes et non des hommes, qu'on utilise leur plastique pour faire passer moult messages publicitaires (y compris quand ce n'est pas nécessairement sexué) etc. Ca va? Tu arrives à te projeter? Et puis, tu tombes sur ce texte. Tu t'indignerai comme tu le fais pour ce soit disant féminisme excessif? Je pense plus être sévère sur les hommes que glorifier la toute puissance de la femme. C'est ce mouvement de balancier qui te donne l'impression que la femme est au-dessus. Pourtant, je doute que tu sois choqué quand le mouvement est inconsciemment inversé (parce que c'est imprégné et partout latent). Il n'y a qu'à voir les femmes super héros...
Pour l'instant, aux yeux du lecteur, Vyhréhel n'existe pas vraiment; Elle a justé été présentée comme une petite opportuniste qui séduisait un chef. Accessoirement, un chef qu'elle avait aussi envie d'aimé. Donc comment fais-tu pour la montrer plus active? Tu me dis qu'il faut qu'elle devienne en quelques mot la calife à la place du calife? J'ai préféré faire étape par étape, ce qui me parait logique.Alors ce peut être un choix, elle a pu décider de s'effacer derrière son amant, ce serait même assez noble mais ce n'est pas ce que le texte dit. Le texte dit qu'elle est "à ses côtés", qu'il "lui arrive" de prendre Lonstroeck de vitesse, qu'elle est... "un relai". Un relai ? Est-ce que tu viens de réduire la plus active des actrices de ton texte à "un relai" ?!
MAIS C'EST LONSTROECK LE RELAI DE VYREHEL !
Par contre, tu soulignes en parallèle que Lonstroek est un faire-valoire, tu as raison. Cela a même été un problème pour moi pour écrire ce chapitre. Sans Ilda et sans Reyv'avih en face de lui, il ne pèse rien.
Mais, jusqu'à présent, désolé, mais jamais le texte n'avait dit ou cherché à faire sentir qu'il ne l'aimait pas. La vérité est d'ailleurs un peu différente. Ce n'est pas forcément qu'il ne l'aime pas, mais, d'une part, qu'il culpabilise d'avoir trahi son épouse et, d'autre part, qu'il aime toujours Ilda. Et que s'il a pu laisser entendre qu'il pouvait aimer Vyréhel, c'était surtout à travers leur ressemblance (ce qu, en soi, me parait très blessant pour elle). Enfin, tu emploies le terme de guerrière, je ne sais pas où tu as l'impression qu'elle peut l'être. Dans ma tête, je 'inscris plutôt sur le plan de la prise de décision. Oui, elle est capable de décider. Donc pourquoi pas de diriger.Mais que... comment ça fonctionne... non, ma stupidité à part, il ne l'aime pas ça d'accord mais elle le sait. Il y a Ilda entre eux d'accord mais elle le sait. Alors oui ça doit être dur pour elle... mais de là à pleurer pile là... c'est théâtral. On vient de suggérer que ce serait une guerrière et elle serait incapable de combattre ses sentiments ?
Bref, je vois pas comment tu peux dire qu'une telle femme ne puisse pas être blessée ou pleurer? On est sur des registres différents, il me semble.
On ne se refait pas... D'un autre côté, si je ne parle pas de tout ce qui est logistique etc., je pense que le récit perd aussi en crédibilité. Comme je l'ai dit en présentation, il y a aussi à travers cette démarche la volonté de donner vie à non pas à une poignée de personnages mais à un peuple tout entier qui avance vers son destin.Le texte s'arrête sur la romance Vyréhel / Lonstroeck, sur les craintes de Reyv'avih et sur le piège. Le reste tient presque du remplissage.
On pourrait même commencer à décomposer la logique des événements mais peu importe.
Cf. plus haut. Oui, je pense ni avoir trouvé le bon ton ni le bon style. Il y a, je pense, une forme de froideur qui crée une distance pour le lecteur. Et, comme tu le soulignes, ce n'est que lorsque je me rapproche des personnages que cette distance s'estompe. Mais je pense que c'est un peu inhérent à ce type de récit. Je n'ai pas l'impression d'avoir vibré pour un seul peuple dans le SDA^. Je pense aussi à Salammbô de Flaubert, je ne me rappelle plus si j'avais ressenti "vivre" les peuples qui sont évoqués, j'avais juste une impression d'avoir des tableaux immenses mais sans vraiment être pleinement captivé. Ici, l'idée serait plus de jouer sur l'anticipation que se fait le lecteur sur le possible sort de ce peuple. Je me dis que c'est ainsi que je peux le toucher et le projeter dans ce peuple. Et c'est vrai que la seconde partie joue davantage avec ça que la première partie.La plus grande difficulté est aussi au niveau du style, où le narrateur n'arrive pas à atteindre la gravité des événements. On parle du destin de tout un peuple comme on parlerait de Jules et Marie dont la voiture a calé en pleine forêt. Très dramatique, à n'en pas douter, mais pas exactement le même niveau.
C'est très intéressant ce que tu dis parce que tu soulignes un vrai problème. Parce que si je reste sur les doutes des personnages, alors c'est qu'ils sont condamné à stagner. J'ai justement envie que leur cheminement intérieur les fasses évoluer. Parce qu'un individu normal fait pareil; Il se pose des questions et finit un beau jour par trouver une réponse; elle peut être juste ou fausse, qu'importe, il s'agit de "sa" réponse. Donc les certitudes en questions, ce ne sont pas forcément des vérités; Ce sont des réponses d'individus à des problèmes qu'ils rencontrent. La vérité peut se trouver dedans, ou partiellement, ou à côté.Le texte réussit surtout quand les personnages se mettent à douter. Dès qu'ils se mettent à jeter des certitudes, ils ennuient. Peut-être, ou certainement, parce que des certitudes on nous en a jeté à la figure quatre fois par chapitre, et ils donnent parfois l'impression de girouettes.
Encore une fois, cela reste encore une constante dans l'histoire où la question de l'objectivité à travers la subjectivité d'un personnage est régulièrement mis en scène. Je ne pense pas que le texte énonce des vérités ou des certitudes absolues. Elles ne tiennent en tant que telles qu'aux travers des yeux des personnages. J'aimerai que le lecteur se sente tantôt d'accord et tantôt en désaccord avec leurs conclusions. J'aimerais qu'il sente en lui cette liberté, cette distance par rapport à ce qui lui est présenté. je ne sais pas si je suis clair ou si ça transparait...
Au fait, tu n'as rien dit sur les scènes des Vuldoniens. Tu les ressens comment?
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- Vuld Edone
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Euh, non.Elle a justé été présentée comme une petite opportuniste qui séduisait un chef. Accessoirement, un chef qu'elle avait aussi envie d'aimé. Donc comment fais-tu pour la montrer plus active?
> Sur l'activité, c'est celle qui sauve Lonstroeck. Alors oui c'est un seul chapitre, mais ça fait d'elle, avec Reyv'avih, le personnage le plus actif du texte. Alors après on joue avec la définition de l'activité -- Lonstroeck est-il actif ou passif... -- mais il ne fait aucun doute qu'elle a été active. Tentons une autre définition de l'activité : sans elle personne n'aurait pu sauver Lonstroeck. Sans Lonstroeck le devin aurait toujours tué Ilda et en serait toujours au même point. Lonstroeck est secondaire, voire accessoire pour l'histoire, Vyréhel -- au stade où elle apparaît -- est nécessaire.
> Sur l'opportunisme, oui, on peut la réduire à un animal qui suit ses pulsions, qui agirait purement par intérêt personnel : posséder Lonstroeck. Mais ce n'est pas comme ça que le texte la dépeint. Elle est effectivement dépeinte comme une guerrière, effacée par sa soeur, forcée de se faire sa place, etc... c'est un personnage.
Je ne la montrerais pas plus active, je changerais le point de vue du narrateur. Lonstroeck peut croire ce qu'il veut mais mon narrateur indiquerait qu'il se trompe, Je montrerais un Lonstroeck presque passif, devenu un "devin malgré lui", qui chercherait à jouer son rôle de chef et se verrait partout remplacé par Vyréhel.
Je ne la montrerais pas plus active, je ferais admettre à Lonstroeck qu'il a été dépassé par elle. Soit jalousie en la voyant le supplanter, soit soulagement, une manière de voir quelqu'un corriger ses erreurs, soit doutes sur lui-même, ce qu'il devrait faire. Et au final, quand elle le retrouve pour l'embrasser, elle veut son amour, il décide qu'il est prêt à vivre pour elle, ce n'est pas ce qu'elle veut et elle le voit se détourner sans comprendre.
En bref, à ce stade du texte c'est Vyréhel l'héroïne, pour cette partie du texte. Comme Ilda, déjà avant, écrasait largement Lonstroeck.
Personnellement je ne m'embarrasserais même pas du point de vue de Lonstroeck, et je montrerais ce dernier comme une boîte noire dont la clé est qu'il se sent mis à l'écart -- y compris par le texte.
Mieux vaut écrire le texte avec un mauvais style que ne pas l'écrire. Il faudrait que je m'applique ça à moi-même...Oui, je pense ni avoir trouvé le bon ton ni le bon style.
Il faudrait le tourner autrement : un personnage qui cesse de douter cesse d'être acteur du texte. Il faudrait plutôt que, quand ils trouvent une réponse, ils trouvent une nouvelle raison de douter. Que leur problème change.Parce que si je reste sur les doutes des personnages, alors c'est qu'ils sont condamné à stagner.
Je ne pense pas qu'un personnage stagne parce qu'il doute. Vyréhel, même si elle se mariait à Lonstroeck et devenait impératrice de l'Eldred, garderait son passé à l'ombre d'Ilda. Elle doutera toujours, de sa place, de ses mérites, de ce que les autres voient en elle. Il faudrait devenir quelqu'un d'autre pour ne plus douter.
Le devin qui ne doute plus du message, ce ne serait plus le devin. Ce ne serait plus qu'un meuble, un outil pour le texte comme l'est un forgeron ou un tavernier. Songe au problème fascinant que serait Vyréhel voulant surpasser sa soeur mais poussée, "par sa nature", à rester dans l'ombre de Lonstroeck. Ces doutes, ce sont les personnages eux-mêmes.
Mais c'est vrai que mes personnages tendent à ne pas évoluer beaucoup... voire pas du tout.
Donc bon.
Pour les vuldoniens, pas grand-chose à dire. J'ai mon interprétation personnelle de ces passages, sur ce que "penserait Vuldone", donc je m'amuse beaucoup. Autrement ces passages ne marquent pas vraiment dans le texte, et les vuldoniens semblent hors-sujet, ajoutés par-dessus une histoire qui se suffisait à elle-même -- on l'avait déjà dit.
Une note cela dit : c'est étonnant de voir un fanatique raisonner avec Reyv'avih pour défendre les enfants. Mais après tout, je les vois avant tout comme des hommes qui, comme tous les hommes d'Ether, cherchent à comprendre des "dieux" qui les dépassent.
Mais sans fonction dans le texte, leur présence n'est pas vraiment pertinente et du coup, pas beaucoup d'intérêt à en parler -- autrement que mon amusement personnel.
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- Zarathoustra
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Je ne pense que cela soit ma vision des personnages. Lonstroek, encore une fois, même je l'ai un peu perdu en route ici, n'est pas qu'un faire-valoir. Il est respecté de son peuple, il est à l'origine d'une prise de conscience, c'est même lui au final qui a le plus de poids dans l'évolution de l'histoire, il a même plus agi que le devin au final (qui n'aura en fait que donner l'impulsion de départ).. Seulement, sur ce chapitre, je n'arrive pas à lui donner du poids et ce n'est pas lui qui en est responsable mais moi.Je ne la montrerais pas plus active, je ferais admettre à Lonstroeck qu'il a été dépassé par elle. Soit jalousie en la voyant le supplanter, soit soulagement, une manière de voir quelqu'un corriger ses erreurs, soit doutes sur lui-même, ce qu'il devrait faire. Et au final, quand elle le retrouve pour l'embrasser, elle veut son amour, il décide qu'il est prêt à vivre pour elle, ce n'est pas ce qu'elle veut et elle le voit se détourner sans comprendre.
En fait, j'ai un peu rétro pédalé sur lui, parce que j'ai pris conscience que je ne pouvais pas balayer d'une main ce qu'il avait fait et vécu sans être profondément marqué. Lonstroek, je le vois ici plus comme un homme qui ne sait plus du tout où il en est. A tout point de vue. On dira qu'il est plus dans la culpabilité que dans le doute.
Le nom que j'avais choisi était une clin d'oeil, mais je ne pense pas avoir développé par la suite quoi que ce soit qui accréditerait des intentions cachés. Tu m'intrigues...Pour les vuldoniens, pas grand-chose à dire. J'ai mon interprétation personnelle de ces passages, sur ce que "penserait Vuldone", donc je m'amuse beaucoup.
.Autrement ces passages ne marquent pas vraiment dans le texte, et les vuldoniens semblent hors-sujet, ajoutés par-dessus une histoire qui se suffisait à elle-même -- on l'avait déjà dit
Je crois que, de mémoire, cela avait été les passages que j'avais eu le plus plaisir d'écrire, parce qu'on retrouve un peu de vraie vie, en quelque sorte, là où les parties des yhlaks sont plus lourdes tant en mise en scène qu'en psychologie. Je trouve que ça oxygène un peu le texte, ce qui en soi me parait nécessaire. Et puis, si je ne parle pas d'eux, c'est impossible de rendre crédible la menace qui attend les yhlaks. Ca tomberait du ciel. Je pense qu'un lecteur a besoin au contraire d'éléments concrets pour la sentir.
S'il est possible que l'histoire se suffisait à elle-même, je sais aussi que je ne la récrirais pas de la même manière. Les vuldoniens apparaîtraient plus tôt et le destin de l'Eldred à travers eux également. Ce sont deux destins qui se télescopent et s'opposent. Ce qui, à mon sens, renforce celui des yhlaks (même si je peux me tromper). Donc un peu hors-sujet il est vrai (parce qu'ils ne sont pas suffisamment annoncés en amont), mais pas gratuit pour autant. Et encore moins pour la suite.
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