file Verbes forts et description

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il y a 11 ans 5 mois - il y a 11 ans 5 mois #18661 par Vuld Edone
Verbes forts et description a été créé par Vuld Edone
Hi'.

Je sais que je floode la CdE et je m'en excuse, mais je me suis levé ce matin en me faisant une étrange réflexion.
Vous le savez, on reproche souvent au débutant de ne pas faire de description, ou quand il en fait, que ce soient des "descriptions-listes". Pour rappel une description liste c'est ça :

Jean était un jeune homme de 17 ans avec les yeux bleus, les cheveux marrons, la peau bronzée et ferme et une chevelure hirsute. Il portait un jean bleu délavé et une chemise blanche à rayures mauves avec une poche sur le côté gauche. Ses chaussures étaient brunes à lacets. Il tenait un livre dans la main.

Maintenant, il faut savoir que je suis en train de traduire un texte de l'anglais, et ce texte est particulièrement long. Mais vraiment. Et comme je le subis mot à mot, j'ai largement le temps d'en observer les constructions et les routines, notamment le mécanisme de description d'une pièce (j'invente) :

Un lit était collé au mur. Au-dessus du lit, il y avait un tableau d'artiste (blablabla). Contre le mur opposé, il y avait un bureau et une chaise et sur le bureau un ordinateur dont l'écran diffusait de la lumière. À gauche du bureau se trouvait une armoire. Il y avait deux sacs dans un coin. Les murs étaient gris sale, et une petite lampe éclairait du plafond.

Voilà. Ca, c'est aussi une description liste. On a beau y mettre des fioritures (le blablabla), on voit bien que c'est une énumération "systématique", à la poussière près, de cette fichue pièce comme les dix fichues pièces qui ont précédé et les dix fichues prochaines qui suivront. Et la routine ne varie pas.
On notera l'habituel "il y avait" et la variation est aussi pauvre que dans mon exemple fictif. Et là il n'y a qu'un paragraphe, ce texte se permet parfois d'en faire deux ou trois. Je rappelle également que si je traduis ce texte, c'est bien qu'on me l'a demandé, donc qu'il a eu passablement de succès.
Donc.
On a le cas d'une description-liste plébiscitée car, au final, rendant extrêmement facile la visualisation des lieux. Là mon exemple ne le montre pas mais le texte se repose énormément sur les adjectifs pour ce qui est de l'ambiance, et il arrive souvent qu'un mot en aligne trois, plus généralement deux.

Ce texte a également l'art de répéter exactement les mêmes fichues tournures, "x fit y" mille fois mais c'est une autre question.

Et là, ce matin, je me suis rappelé la vieille consigne qu'un professeur de l'école obligatoire nous avait donnée :
"Évitez les verbes être et avoir, et les autres verbes faibles."
Les autres verbes faibles, c'est tous les verbes qui ne sont pas expressifs, et forcément à l'époque notre professeur ne pouvait pas nous expliquer ce qu'était la pertinence. "Se trouver" est un verbe faible par exemple, mais la liste est floue. L'idée était d'éviter des verbes qui n'évoquaient rien.
Par exemple :

Jean marchait dans la rue...

"Marcher" est un verbe faible car générique, banal, c'est l'action par défaut et pour rendre la scène vivante on est forcé d'ajouter des adverbes, des adjectifs :

Jean inquiet marchait vivement dans la rue...

Ce qui est la solution, une fois encore, plébiscitée par le texte que je traduis, quand bien même il fait l'effort parfois "d'ouvrir un dictionnaire".
Le conseil du professeur était donc, quand le verbe était "faible" (à votre discrétion), de le remplacer par un verbe "fort", spécialisé et évocateur :

Jean se pressait par la rue...

Le verbe évoque la même chose que "marchait", c'est-à-dire qu'il se déplace, mais rajoute l'idée de vivacité et donc, par déduction, la cause de son empressement, une inquiétude ou une excitation. Le verbe sert alors la description.

Où est-ce que je veux en venir ?
C'est ma réflexion de ce matin. Que se passe-t-il si on applique cette consigne à une description-liste ?

Un lit était collé au mur. Au-dessus du lit, il y avait un tableau d'artiste...

On a donc deux verbes "faibles", "était collé" et "il y avait". Mais comme le dirait Imperator, bon sang, ces verbes disent ce qu'il y a à dire et on ne voit pas quoi rajouter. En termes de pertinence il n'y a pas besoin de plus.
Mais ils sont faibles, donc appliquons aveuglément la consigne.
On va dire que la pièce est accueillante, et on va exagérer parce que je n'ai pas que ça à faire.

Un lit cajolait le mur, bordé, au-dessus, par un tableau d'artiste...

C'est mieux, hein ?
Non, c'est pire.
Tentons juste une autre variante, mettons que la pièce soit la scène d'un crime :

Un lit gardait le mur. Figé au-dessus, un tableau d'artiste...

On a donc toujours le même mode opératoire : "verbe faible" + "ambiance" = "verbe fort" pour décider quel verbe prendre pour remplacer celui par défaut.
Mieux ?
Pire.
Parce que cela brise complètement la liste, et ce que le texte gagne (supposément) en expressivité il le perd en clarté. La grande difficulté devient le passage d'un élément à un autre, puisqu'il n'est plus vraiment question de simplement déplacer le regard. L'attention se focalise autant sur les verbes que sur les objets et, donc, prend le risque de se disperser.

Voilà la réflexion que je me suis faite.
Cela ne change rien à mon opinion des descriptions-listes : c'est facile, et pour moi lecteur vieux grognard qui me mange(ais) dans les dix textes par semaine c'était extrêmement pénible. Ce l'est encore plus dans cette traduction où la répétition se fait horriblement sentir.
Mais aussitôt qu'on essaie de briser la description-liste pour autre chose, et notamment au niveau des verbes... eh bien, je ne suis pas sûr que le résultat soit favorable au texte.

Voilà voilà...

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il y a 11 ans 5 mois #18662 par Imperator
Réponse de Imperator sur le sujet Re:Verbes forts et description
D'un autre côté, les anglais n'écrivent pas comme nous. Ils ont besoin d'employer des phrases courtes.

Mais oui, côté descriptions fleuves... Pour moi, l'intérêt de ce genre de description est de mettre en valeur un élément au milieu, pour cacher un indice.

Si je fais une description fleuve chiante avec, au milieu, la photo d'un couple, je donne l'information capitale que la femme de mon héros est morte ou l'a quitté. (bon, cliché au possible, mais voilà).

Mais comme le dirait Imperator, bon sang, ces verbes disent ce qu'il y a à dire et on ne voit pas quoi rajouter.

Là, carrément.

Peu importe le verbe employé, tant que la description a UN SENS. Il ne sert à rien de tenter de décrire une image à quelqu'un. Il s'en fera de toute manière sa propre représentation. Maintenant, je n'ai pas vraiment le temps de faire le tour des différents sens des descriptions dans l'écriture littéraire.

Impe, en coup de... ouais, comme d'hab.

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il y a 11 ans 5 mois #18665 par Vuld Edone
Réponse de Vuld Edone sur le sujet Re:Verbes forts et description
Oublions une seconde la description-liste, je viens de tomber là-dessus :

Powerful explosions had torn holes in the walls of the station and the homes that had been built into and around it.

Je suis en train de traduire par :

De puissantes explosions avaient crevé les murs de l'arrêt et des masures construites autour.

Je passe vite sur les choix de correction, à savoir maintenir une taille à peu près égale (d'où des raccourcis) et un peu de style, "mur" - "masure". Ce qui m'intéresse, c'est le "torn holes" et le "crevé".
Une traduction littérale aurait donné quelque chose comme "...avaient ouvert des brèches dans les murs..." voire "... des trous..." mais on se comprend. J'avoue, sur le coup, ne pas réfléchir à s'il y a un verbe pour ça en anglais, ou si vraiment "torn holes" est la formule la plus efficace. Mais si j'avais dû écrire le passage j'aurais écrit, toujours par style, "... had wasted the station walls and the homes..." parce qu'allitérations.

La question est la même :
C'est quoi la meilleure version ?
Celle avec un verbe "simple", on ne dira pas faible parce que c'est connoté, mais qui repose alors sur un développement annexe qu'on appellera une périphrase, ou bien un verbe "compliqué" pour connoter, qui dirait tout par lui-même et du coup risquerait de perdre le lecteur ?

C'est bien gentil de critiquer les autres mais là c'est mon style que j'essaie d'écharper, et j'ai tendance à toujours prendre la leçon la plus compliquée.
Alors en oubliant que les anglophones seraient flemmards, et abstraction faite du contexte (si si c'est possible), par défaut, quelle version privilégier ?

Par défaut, ne faudrait-il pas aller au plus simple, et seulement par besoin compliquer ?
Ou bien par défaut, ne faudrait-il pas chercher à optimiser chaque mot ?

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il y a 11 ans 5 mois #18667 par Imperator
Réponse de Imperator sur le sujet Re:Verbes forts et description
Juste pour essayer de traduire en oubliant le contexte:

Powerful explosions had torn holes in the walls of the station and the homes that had been built into and around it.

"De puissantes explosions avaient percé des trous dans les murs de la station ainsi que dans les maisons qui avaient été construites tant à l'intérieur qu'autour d'elle."

De puissantes explosions avaient crevé les murs de l'arrêt et des masures construites autour.

Pour moi, le verbe fort "crever" a une connotation morbide et négative. On crève un abscès, on crève de peur, on crève tout court. Crever un mur va au-delà de le percer, il s'agit de mettre profondément l'accent sur la manière dont le trou a été percé, qui laisse une cicatrice irréparable et profondément repoussante.

Or, visiblement, la description d'origine ne cherche pas à provoquer ce genre d'émotion.
En fait, il faudrait connaître l'intention de l'auteur, parce que "percé des trous", "fait des trous" et "crevé les murs" n'ont pas du tout la même signification.
- j'ai déjà parlé de "crever les murs"
- "percer des trous" signifie qu'il y a eu un certain arbitraire dans l'action. On perce quelque chose de précis, il s'agit d'une action chirurgicale. Une aiguille perce, une balle perce, une perceuse perce.
- "faire des trous" a une connotation beaucoup plus chaotique (qui est probablement ce que l'auteur avait en tête).

Du coup, pour éviter le verbe faire, j'emploierais:
"De puissantes explosions avaient laissé des trous dans les murs de la stations et les demeures alentours".

On pourrait même envisager "...avaient ouvert des trous dans les murs...".

Laquelle est la meilleure? Cela dépend de l'utilité de la description dans le récit, de l'intention de l'auteur et de l'élément à mettre en évidence dans la phrase.

Et personnellement, je crois que ta version:

De puissantes explosions avaient crevé les murs de l'arrêt et des masures construites autour.

Évite peut-être de parler de "masures" à moins d'avoir vraiment employé tout le temps un vocabulaire soutenu. "demeures" ou simplement "maisons" devrait suffire. Mais sinon, le verbe crevé montre bien la violence des explosions plutôt que le résultat lui-même (des murs troués...).

Pour moi l'important n'est pas de remplacer un verbe faible par un verbe fort en évitant une périphrase, mais de dire au lecteur ce à quoi il doit faire attention et ce qu'il peut ignorer.

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